26 août 2013

Sacrée France : Vichy, CFLN et GPRF (1940-1946)

La révolution devient la référence de tout progrès, de tout avenir : être français, c'est faire la révolution, c'est re-créer et régénérer perpétuellement ; et en des temps de troubles où la France se cherche, être vraiment français c'est faire la vraie révolution. Autrement dit, comme toujours, il est temps de redéfinir les termes pour les faire correspondre aux volontés politiques du moment. C'est alors la IIIe République qui se voit affublée de l'appellation "ancien régime" (discours du 11 octobre 1940 et du 12 août 1941).

"L'ordre nouveau est une nécessité française. Nous devrons, tragiquement, réaliser dans la défaite la révolution que, dans la victoire, dans la paix, dans l'entente volontaire de peuples égaux, nous n'avons même pas su concevoir."

"A tous ceux qui attendent aujourd'hui le salut de la France, je tiens à dire que ce salut est d'abord entre nos mains. A tous ceux que de nobles scrupules tiendraient éloignés de notre pensée, je tiens à dire que le premier devoir de tout Français est d'avoir confiance. (...) Celui qui a pris en mains les destinées de la France a le devoir de créer l'atmosphère la plus favorable à la sauvegarde des intérêts du pays. C'est dans l'honneur et pour maintenir l'unité française, une unité de dix siècles, (...) que j'entre aujourd'hui dans la voie de la collaboration. (...)  Gardez votre confiance en la France éternelle !"

"Si la France ne comprenait pas qu'elle est condamnée, par la force des choses, à changer de régime, elle verrait s'ouvrir devant elle l'abîme où l'Espagne de 1936 a failli disparaître et dont elle ne s'est sauvée que par la foi, la jeunesse et le sacrifice. (...) Aujourd'hui, c'est de vous-mêmes que je veux vous sauver. A mon âge, lorsqu'on fait à son pays le don de sa personne, il n'est plus de sacrifice auquel l'on veuille se dérober ; il n'est plus d'autre règle que celle du salut public. Rappelez-vous ceci : un pays battu, s'il se divise, est un pays qui meurt ; un pays battu, s'il sait s'unir, est un pays qui renaît. Vive la France !"

- Maréchal Pétain, 1940-41, discours du 11 et du 30 octobre 1941 et du 12 août 1941.

Il ne faut pas beaucoup pousser les français pour qu'ils reviennent au culte de la personnalité, avec quelques nouveautés, comme l'adoption du salut "à la romaine" (bras tendu, comme le salut de l'Allemagne Nazie et de l'Italie fasciste), rappel qu'une République précède un glorieux Empire.
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De son côté, le Comité Français de Libération Nationale (1940-44) qui se muera en Gouvernement Provisoire de la République Française (44-47), sera marqué par le Général De Gaulle bien sûr mais aussi le résistant puis ministre Henri Frenay, son compagnon de combat le général François Astier de la Vigerie et finalement le Président provisoire Vincent Auriol. On rêve d'abord de réunifier la France, mais plus encore, cette réunification ne peut être envisagée que comme le précurseur de toute réunification : l'Europe et la planète entière suivront nécessairement l'exemple prophétique et instigateur de la France-messie.

"Les États-Unis d’Europe, étape vers l’unité mondiale seront bientôt une réalité vivante pour laquelle nous combattons."

"Je hais par-dessus tout le sectarisme gaulliste. Par-dessus tout ? Oui parfaitement, car pour moi le gaullisme (…) c’est la France (…) et la France, si elle était sectaire, ne serait plus la France."

- Henri Frenay, 1942, dans le journal Combat ; et 1944, dans La Nuit finira.

Frenay, pour sa part, était tout à fait conscient de la force d'un tel mythe, qu'il décelait dans le Nazisme : "Un homme ou un peuple est très fort quand il entre en scène armé d'un mythe. Or le national-socialisme  a fait découvrir au peuple allemand un ensemble de mythes : le mythe de la race, le mythe du soldat politique, le mythe du socialisme allemand qui évaillent tous les échos profonds de l'âme populaire." (propos rapporté par J.-P. Woog dans la Chronique Littéraire de la Gazette du Palais, 23-25 mai 2004).

D'autres reprennent le mythe en termes bibliques au compte du parti qu'ils identifient à la Résistance, c'est-à-dire à la République :

"Fortifié par ses sacrifices, confirmé dans sa doctrine, rénové dans sa composition, le Parti socialiste surgit de la Résistance avec une âme nouvelle, un esprit rajeuni."

- Vincent Auriol, 1944, Congrès national extraordinaire des 9-12 novembre 1944, Archives du PS- SFIO, OURS, p.814.

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