12 août 2013

Sacrée France : Le 2nd Empire (1852-1870)

Les citations du lundi dans cette série sur la République se passeront souvent de commentaires, néanmoins tu en retrouveras parfois quelques extraits dans mes articles du vendredi, ainsi qu'un peu plus de contexte historique. Sur ce, bonne lecture !
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"La Révolution de 1789, n’ayant rien fondé, ne nous a point affranchis, mais seulement changés de misère. (...)

L’ancien régime, fondé sur l’Autorité et la Foi, était essentiellement de Droit divin. Le principe de la souveraineté du Peuple qui y fut plus tard introduit n’en changea point la nature ; et ce serait à tort qu’aujourd’hui, en face des conclusions de la science, on voudrait maintenir entre la monarchie absolue et la monarchie constitutionnelle, entre celle-ci et la république démocratique, une distinction qui ne touche nullement au principe, et n’a été, si j’ose ainsi dire, depuis un siècle, qu’une tactique de la liberté. L’erreur ou la ruse de nos pères a été de faire le peuple souverain à l’image de l’homme-roi ; devant la Révolution mieux entendue, cette mythologie s’évanouit, les nuances de gouvernement s’effacent et suivent le principe dans sa déconfiture. (...)

Dieu et le Roi, l’Église et l’État, telle est, en corps et en âme, l’éternelle contre-révolution. Le triomphe de la liberté, au moyen âge, fut de les séparer, et, ce qui montre l’imbécillité des deux pouvoirs, de leur faire accepter comme un dogme leur propre scission. Maintenant, nous pouvons l’avouer sans péril : devant la philosophie, cette distinction est inadmissible. Qui nie son roi nie son Dieu, et vice versa, il n’y a guère que les républicains de la veille qui refusent de le comprendre. (...)

Il faut pourtant que le catholicisme s’y résigne : l’œuvre suprême de la Révolution, au dix-neuvième siècle, est de l’abroger."

- Joseph Proudhon, 1851, Idée générale de la Révolution au 19e siècle.


"La révolution française est donc une révolution politique qui a opéré à la manière et qui a pris en quelque chose l'aspect d'une révolution religieuse. Voyez par quels traits particuliers et caractéristiques elle achève de ressembler à ces dernières : non seulement elle se répand au loin comme elles, mais, comme elles, elle y pénètre par la prédication et la propagande. Une révolution politique qui inspire le prosélytisme ; qu'on prêche aussi ardemment aux étrangers qu'on l'accomplit avec passion chez soi ; considérez quel nouveau spectacle ! (...) 

On aurait donc bien tort de croire que l'ancien régime fut un temps de servilité et de dépendance. Il y régnait beaucoup plus de liberté que de nos jours; mais c'était une espèce de liberté irrégulière et intermittente, toujours contractée dans la limite des classes, toujours liée à l'idée d'exception et de privilège, qui permettait presque autant de braver la loi que l'arbitraire, et n'allait presque jamais jusqu'à fournir à tous les citoyens les garanties les plus naturelles et les plus nécessaires. (...)
Mais si cette sorte de liberté déréglée et malsaine préparait les Français à renverser le despotisme, elle les rendait moins propres qu'aucun autre peuple, peut-être, à fonder à sa place l'empire paisible et libre des lois. (...)

Dans la Révolution Française, les lois religieuses ayant été abolies en même temps que les lois civiles étaient renversées, l'esprit humain perdit entièrement son assiette; il ne sut plus à quoi se retenir ni où s'arrêter, et l'on vit apparaître des révolutionnaires d'une espèce inconnue, qui portèrent l'audace jusqu'à la folie, qu'aucune nouveauté ne put surprendre, aucun scrupule ralentir, et qui n'hésitèrent jamais devant l'exécution d'aucun dessein. Et il ne faut pas croire que ces êtres nouveaux aient été la création isolée et éphémère d'un moment, destinés à passer avec lui; ils ont formé depuis une race qui s'est perpétuée et répandue dans toutes les parties civilisées de la terre, qui partout a conservé la même physionomie, les mêmes passions, le même caractère. Nous l'avons trouvée dans le monde en naissant; elle est encore sous nos yeux. (...) 

En même temps que [la centralisation] se relevait, tout ce qui avait pu autrefois la limiter restait détruit, des entrailles mêmes d'une nation qui venait de renverser la royauté on vit sortir tout à coup un pouvoir plus étendu, plus détaillé, plus absolu que celui qui avait été exercé par aucun de nos rois.
L'entreprise parut d'une témérité extraordinaire et son succès inouï, parce qu'on ne pensait qu'à ce qu'on voyait et qu'on oubliait ce qu'on avait vu. Le dominateur tomba mais ce qui restait de plus substantiel dans son œuvre resta debout; son gouvernement mort, son administration continua de vivre, et, toutes les fois qu'on a voulu depuis abattre le pouvoir absolu, on s'est borné à placer la tête de la Liberté sur un corps servile."

- Alexis de Tocqueville, 1856, L'Ancien Régime et la Révolution, p.16-17; 183-184; 239; 319.


"Il n'y a de gouvernement raisonnable et assuré que l'aristocratique. Monarchie ou république, basées sur la démocratie, sont également absurdes et faibles. (...) 

Deux belles religions, immortelles sur les murs, éternelles obsessions du Peuple : une pine (le phallus antique) et «Vive Barbès !» ou «A bas Philippe !» ou «Vive la République !»."

- Charles Baudelaire, 1864, Mon cœur mis à nu.


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