28 septembre 2012

La vérité sur les pédés

En mai 68, un philosophe allemand devient la figure emblématique du mouvement de libération sexuelle. Ce philosophe, Wilhelm Reich, prétend que tout le malheur du monde depuis l'aube de l'humanité provient d'une frustration sexuelle. N'est-il pas évident qu'un être sexuellement épanoui est nécessairement paisible et même bienveillant ? Toute violence et toute déviance chez l'humain provient donc d'une oppression sexuelle due à une moralité rétrograde. Il prône donc la libération sexuelle totale : que chacun vive sa sexualité sans tabou, librement, dès l'enfance.

Se développe alors en France une certaine bienveillance négligente envers la pédophilie, et qui durera une quinzaine d'années, sous le regard approbateur des médias. Mais au milieu des années 80, la déviance inhérente à la pédophilie transparaît de plus en plus clairement, on assiste à une radicalisation de la sexualité dans les œuvres pédophiles, vers plus de bestialité, voire un caractère carrément morbide. La critique réprouve, et dès les années 90 s'ensuit un retournement total de la situation : c'est la psychose anti-pédophile, une véritable chasse aux sorcières motivée par le traumatisme d'une série de scandales liés à la pédophilie (dont la tristement célèbre affaire Dutroux).

Comment est-on passé d'un extrême à l'autre en si peu de temps ? Et surtout, comment peut-on l'avoir oublié, pour ne se rappeler que d'un mai 68 libérateur ? Mais vous allez voir qu'on a oublié bien plus - ou plutôt, qu'on ne cherche pas à savoir, car on préfère de loin nos idées romantiques du passé à la réalité.

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Le pédé est l'adepte de la pédérastie, pratique de la Rome Antique qui s'apparenterait aujourd'hui à de la pédophilie éducative (comparable à celle des thèses de Reich). Pourtant on appelle "pédé" les homosexuels, et on attribue à l'Empire Romain une morale sexuelle libérée, tolérante envers l'homosexualité, deux aspects que le christianisme se serait employé à réprimer jusqu'à nos jours... Ne confondons pas tout.

Au début de notre ère, la sexualité dans le monde hellénistique était paralysée par les interdits (il fallait faire l'amour dans le noir, jamais nu, et avec peu de caresses), et pourtant largement tolérante envers les hommes au sujet de l'infidélité conjugale car les épouses étaient un bien : elles servaient à tenir la maison, faire des enfants, et arrondir son patrimoine. D'ailleurs les époux avaient des droits sur leurs épouses, mais ce n'était pas réciproque.

Cette vision de la sexualité dans son ensemble, pédérastie comprise, est fondée sur une volonté misogyne de virilité totale – la sexualité de l'homme adulte est active, non passive. Dans les faits, les cas d'homosexualité étaient tout de même nombreux, ce qui dénote une évidente tolérance (et non pas une acceptation) à cet égard. Mais, d'abord, cela ne concerne que les hommes et non les femmes : la condamnation morale était lourde pour l'homosexualité chez ces dames, ou pour toute pratique sexuelle qui abaisserait l'homme par rapport à la femme (le cunnilungus par exemple). 

Ensuite, cela ne concerne pas les hommes adultes : les éphèbes grecs et les mignons romains étaient presque toujours pré-pubères. L'homosexualité adulte entre deux hommes, telle qu'on l'appelle aujourd'hui, était tout autant réprouvée. Enfin, Platon lui-même écrit que la copulation entre mâles ou entre femelles est contre-nature, et il s'inquiète sérieusement de la pédérastie...

Alors, la vérité sur les pédés, c'est que souvent, on ne sait pas de quoi on parle, et qu'on ferait mieux de se renseigner. A bon entendeur...

24 septembre 2012

Tu quoque

"Avant donc que d'écrire, apprenez à penser" - Nicolas Boileau.

Ainsi donc, ce lundi matin, apprenons à éviter le faux raisonnement intitulé "Tu quoque" - littéralement "toi aussi".

Il s'agit d'éviter une critique en la retournant contre l'interlocuteur, ce qui permet de gagner l'avantage dans le débat en passant de la défensive à l'offensive. Autrement dit, la meilleure défense, c'est l'attaque. Mais si c'est efficace d'un point de vue rhétorique, c'est déloyal d'un point de vue logique, parce qu'au final on ne répond pas à la critique. Exemple :

A - Tu dis que t'es chrétien, mais tu donnes pas un rond aux mendiants.
B - C'est pas toi qui va me donner des leçons de charité.

C'est toujours horripilant de se voir reprocher quelque chose par quelqu'un qui n'a aucune leçon à donner en la matière, et on trouve probablement ça naturel de leur retourner leur critique directement dans la face... mais, en réalité, si leur critique est justifiée - si, pour reprendre l'exemple, on ne donne effectivement pas d'argents aux mendiants - alors il faut y répondre honnêtement, c'est-à-dire le reconnaître. Exemple :

A - Tu dis que t'es chrétien, mais tu donnes pas un rond aux mendiants.
B - Oui, c'est vrai. Pourquoi tu penses qu'un chrétien doit forcément donner aux mendiants ?
A - Et la charité chrétienne ?
B - La charité chrétienne, ça veut pas dire donner son fric à qui t'en demande. C'est gérer les ressources que Dieu te donne pour aider les gens, et c'est ce que je fais. Et donner de l'argent aux mendiants que je croise, c'est pas forcément les aider...

En plus d'être une réponse adéquate à la critique formulée, ça permet qu'un conflit démarre par une volonté de résoudre la situation plutôt que par des accusations.

22 septembre 2012

La vérité sur Avatar

J'aime reconnaître quand j'ai tort (si si), d'abord parce que ça me change de d'habitude... (je rigole) Non, en fait, c'est parce que ça veut dire que j'ai appris quelque chose. Qui n'aime pas avoir raison ? Et pourtant, se rendre compte qu'on a tort et changer d'avis (littéralement, "se repentir") est peut-être un des seuls moyens de s'assurer qu'on a réellement découvert la vérité.

Mais bref, je veux parler ici du film de James Cameron : Avatar. Nombre de chrétiens, moi y compris, y ont immédiatement vu une symbolique chrétienne : Jake Sully, un être plus avancé (du point de vue de la civilisation tout du moins), venu du ciel, s'incarne parmi un peuple autochtone, vit leur vie, est choisi par le Dieu de la planète pour combattre le mal et accomplir une prophétie en dominant le grand dragon, finit par se sacrifier pour sauver tout le monde, et à la fin il ressuscite (grâce à l'action du Dieu qui l'a choisi). Est-ce que ça te rappelle quelque chose ?

Mais les principes de l'incarnation, du combat épique contre le grand méchant monstre, le sacrifice, la mort et la résurrection, sont-il exclusivement chrétiens ? La réponse est non. D'autres religions partagent des concepts semblables, d'ailleurs le titre du film, Avatar, fait référence aux incarnations des divinités hindous. On peut également citer:

- le concept de sacrifice personnel dans l'Hindouisme et dans les religions traditionnelles Africaines;
- le concept de renaissance dans le Bouddhisme (même si ce n'est pas exactement la même chose que la résurrection);
- et tandis que dans la tradition occidentale (Biblique) on tue les dragons, c'est dans la mythologie Chinoise qu'on les chevauche, obtenant par là-même des pouvoirs célestes.

Plus important encore : Comment savoir ce que l'auteur a voulu signifier par tel ou tel symbole ?

Avoir tort pour Avatar

La scientifique bienveillante s'appelle Grace Augustine, le prénom du héros commence par un "J", le nom du Dieu planétaire est pratiquement un anagramme de Yahweh (le nom de Dieu dans la Bible), le peuple autochtone s'appelle les Na'vi, ce qui veut dire "Prophètes" en hébreu, les graines de l'arbre sacré se comportent quasiment comme le Saint Esprit biblique... tout ça, est-ce un hasard ? Je ne le croyais pas.

Mais j'oubliais un principe de base pour interpréter quoi que ce soit : chercher ce que l'auteur a voulu dire.

Demandons donc à James Cameron... La couleur des Na'vi fait écho aux divinités Hindous, qui sont souvent représentées en bleu. Ces derniers n'ont d'ailleurs rien à voir avec les prophètes bibliques, ils sont plutôt, selon Cameron, ce qu'on rêverait d'être, et ce qu'on sait être, au fond : des créatures dont le bien-être est liée à celui de notre planète, même si on choisit de l'ignorer. De même, selon Paul Frommer (linguiste chargé de créer la langue du peuple imaginaire en question) confirme que toute similarité avec le mot hébreu pour "prophète" serait une pure coïncidence, d'autres y ont vu un raccourci déguisé de "Navajos", ce qui semble plus probable étant donné l'histoire (et les similarité linguistiques entre le langage des Na'vi et celui es Navajos).

Par ailleurs le film dans son ensemble fait un parallèle avec l'exploitation et le massacre de populations indigènes : de méchants envahisseurs qui massacrent et pulvérisent des civilisations sans aucune pitié pour s'approprier les ressources des populations locales (conquête de l'Amérique, de l'Afrique, et surtout les deux guerres du Golfe qui ont encadré la rédaction du scénario), mais qui se font finalement battre malgré leur supériorité technologique par des ennemis supérieurs en nombre, avec l'avantage du terrain, et des stratégies inattendues (guerre du Vietnam, entre autres).

Alors voilà : contrairement à ce que j'ai premièrement pensé et dit, Avatar n'est pas un film plein de symbolique chrétienne... mea culpa !

17 septembre 2012

La charge de la preuve

Lundi, jour nommé en l'honneur de l'astre lunaire, et pourtant il faut garder les pieds sur terre...

Une grande règle de débat, souvent enfreinte malheureusement, c'est que quand on affirme quelque chose, c'est à nous de prouver que c'est vrai, et non à l'adversaire de prouver que c'est faux (ce qui impliquerait que s'il ne le peut pas, alors on a raison).

Par exemple, si je veux convaincre quelqu'un que Dieu existe, c'est à moi de lui prouver que je dis vrai.

Pourquoi ? Tout simplement parce que le seul moyen d'être sûr que quelque chose est vrai, c'est de prouver que c'est vrai. Ne pas arriver à prouver que c'est faux peut vouloir dire que c'est vrai, mais ça peut aussi vouloir dire qu'on est trop limité pour y arriver, ou qu'une troisième solution est possible.

Un autre exemple, plus complexe : pour prouver que la thèse Créationniste est vrai, il ne suffit pas de prouver qu'il existe des problèmes sans réponse dans la théorie de l’Évolution. Et inversement. Et même, pour prouver que le Créationnisme est faux, il ne suffit pas de prouver que l’Évolutionnisme se tient. Cela, parce que chacune de ces constructions théoriques évolue au fur et à mesure que la recherche avance, et les deux pourraient fusionner en une seule, ou bien laisser la place à une troisième théorie, totalement nouvelle (même si c'est relativement improbable).

14 septembre 2012

La fac de théo, c'est biblique ?

Si les Églises enseignaient correctement les paroissiens, y aurait-il besoin de facultés de théologie ?

Les apôtres n'étaient, pour la plupart, pas des hommes instruits. Jésus leur avait enseigné de manière simple, et le Saint-Esprit leur permettait de transmettre cet enseignement fidèlement. Chaque assemblée chrétienne devrait continuer à en faire autant, et il n'y aurait alors pas besoin de faculté de théologie.

C'est un discours que je rencontre parfois. Je ne vois pas les choses de cette manière, cependant. Et si, comme de nombreux jeunes chrétiens, j'aimerais être plus et mieux enseigné dans la foi à l'église, ce n'est pas pour ça que je fais des études de théologie.

Les apôtres n'étaient peut-être pas des hommes très instruits, mais ils ont tout de même été instruits par Jésus pendant 3 ans - l'équivalent d'une licence. Cela souligne l'importance de mettre un temps à part pour la formation selon la parole de Dieu.

Pour en revenir aux auteurs du Nouveau Testament, Paul et Luc, qui en ont écrit chacun un tiers, étaient des hommes très instruits. Deux autres évangélistes, Marc et Matthieu, ont écrit selon l'enseignement de ces apôtres peu instruits qui justement ne savaient pas écrire. Moïse et Daniel, parmi les grands auteurs de l'Ancien Testament, ont eux aussi été éduqués par des cours royales (celle de Pharaon et de Nabuchodonosor). Il est donc clair que l'instruction joue un rôle central dans la transmission de la doctrine, si ce n'est dans son articulation (pour ce qui est des épîtres de Paul). Une personne plus instruite se rend plus disponible pour ce travail de Dieu.

On peut ajouter à ça le problème de l'éloignement temporel et spatial : 2000 ans, ou plus, nous séparent des écrivains bibliques. Il n'a jamais été nécessaire pour les premiers chrétiens de faire beaucoup d'efforts pour comprendre les écrits originels, mais pour nous, c'est donc nécessaire :

Les langues d'origine. Si pour le message central, les traductions disponibles aujourd'hui sont limpides et s'accordent, une certaine connaissance du Grec et de l’Hébreu bibliques est nécessaire pour éviter les écueils d'interprétation (plusieurs contradictions apparentes dans la Bible sont résolues par une étude linguistique plus approfondie - des problèmes inhérents à toute traduction).

La culture de l'époque. Les langues représentent une culture, et si on ne l'étudie pas, on ne peut pas comprendre ne serait-ce que les expressions idiomatiques, les tournures de phrases, les références...

La culture contemporaine. Il ne suffit pas d'être né dedans pour la comprendre dans toute sa diversité. Notre époque est extrêmement riche en visions du monde de tous horizons. Plus que jamais il est important de les connaître, de les étudier, d'en démêler les fondements, les articulations et les implications, pour comprendre les gens à qui on s'adresse et leur adresser un message pertinent.

L'éthique. Les questions auxquelles nous faisons face aujourd'hui requièrent un autre niveau de compréhension qu'à l'époque. La FIV, l'euthanasie, l'avortement, etc. sont des problèmes techniques plus complexes que la consommation des viandes sacrifiées aux idoles, ou l'immoralité sexuelle.

L'histoire de l’Église. Dans tous ces domaines, il existe 2000 ans, ou plus, de réflexion, de débats, de vies de chrétiens, qui essayent de formuler le message Biblique fidèlement tout en l'adaptant à leur époque - et nous n'aurions rien à apprendre de ça ? Ne doit-on pas être curieux de ce que Dieu a inspiré à nos frères et sœurs du passé, et de la manière dont les chrétiens ont occasionnellement été mal guidés par les hommes ?

Voilà ce qu'il est bon d'étudier lorsqu'on veut être théologien, et ça prend du temps, des ressources documentaires et des enseignants. Grâce à toutes ces choses, on peut servir ses frères et ses sœurs dans l’Église tout comme notre génération en général. Si on combine tout ça, on obtient une faculté de théologie.

Ce n'est pas un institut de théologie, qui lui sert avant tout à former des pasteurs, de manière très pratique. Il s'agit d'une faculté, qui instruit les chrétiens pour qu'ils servent l'église selon les dons que Dieu leur a donnés, qu'ils deviennent enseignants, pasteurs, docteurs, évangélistes, prophètes, ou simplement des chrétiens dont la foi est solidement fondée en Christ. Ce n'est pas le seul moyen, mais c'est un très bon moyen.

10 septembre 2012

Le purisme

D'un lundi à l'autre, on gagne, on perd : c'est la vie ! Autant perdre des choses sans valeur, et en gagner qui nous enrichissent. C'est pourquoi aujourd'hui je te propose de perdre un faux raisonnement : le purisme.

Ce faux raisonnement fait prétexter qu'une idée ou une pratique est impure afin de rejeter une critique pertinente ou dissimuler une faiblesse dans l'argumentation.

L'expression caractéristique de ce faux raisonnement, c'est "pas un vrai" :

A - Les chrétiens sont hypocrites.
B - Mais non, les gens qui sont hypocrites ne sont pas de vrais chrétiens.

On redéfinit le "vrai" et "bon" exemple à partir de l'exception, pour esquiver automatiquement le contre-argument présenté. Autrement dit, si l'exemple est sujet à une quelconque critique, alors ce n'est pas un bon exemple.

Attention, ici il faut se méfier de la méthode (redéfinir pour exclure la critique), mais pas de la fin (arriver à une définition juste). On peut remettre en question la définition des termes, en fait, tout bon débat commence par une définition claire des termes. Le dialogue précédent pourrait donc donner ceci :

A - Les chrétiens sont hypocrites.
B - C'est quoi, un chrétien ?
A - Ben, c'est quelqu'un qui croit en Dieu, et tout.
B - Et quelqu'un qui croit en Dieu - le même Dieu qui a donné les 10 commandements, et qui jugera la terre entière - quelqu'un qui croit en ce Dieu, serait hypocrite sans problème ?
A - Ben, non. Mais c'est incohérent, c'est ça que je veux dire.
B - Ah, ok. Je suis d'accord avec toi. Ils sont incohérents. En même temps, tout le monde est incohérent : mes parents, nos profs, nos collègues, ça m'arrive de l'être, et toi aussi. C'est un effet de ce qu'on appelle le péché, dans la Bible. Être chrétien ne rend pas instantanément cohérent, mais ça implique de reconnaître et de lutter tous les jours contre notre tendance naturelle à l'incohérence. Et pour ça on a besoin de quelqu'un qui ne l'est pas. Ce quelqu'un, c'est Jésus, et c'est pour ça que je suis chrétien.

7 septembre 2012

Pour le mariage homosexuel... ?

La question au feu rouge

Diane Savino est sénatrice de l’État de New York. Un jour qu'elle était arrêtée au feu rouge, un homme passe la tête par la fenêtre de sa voiture et lui demande : "Vous êtes sénatrice ?". Il avait remarqué la plaque minéralogique typique des sénateurs aux États-Unis. Elle acquiesce, et il enchaîne : "Le Sénat va bientôt voter un projet de loi sur le marriage gay, non ?". Elle confirme, il lui demande ce qu'elle compte voter, et elle dit qu'elle compte voter pour. "Pourquoi ?", l'interroge-t-il, et elle lui répond : "Parce que le mariage est un droit pour tout adulte consentant". Il reprend : "Mais ça change la définition du mariage".

Elle se met à son tour à poser les questions : "Est-ce que vous savez que la loi nous autorise à nous marier immédiatement, alors que nous venons juste de nous rencontrer, et en pratique, les infrastructures de ce pays nous permettraient de le faire dans les 24h ?". Il acquiesce. "Et pensez-vous que nous soyons prêt pour un tel engagement ?". Il marque une pause avant de répondre : "Je comprends ce que vous voulez dire".

L'anecdote (f)relatée

C'est cette anecdote particulière que la Sénatrice choisira de relater au cours de l'assemblée qui verra le vote pour le mariage homosexuel dans l’État de New-York. Son argument principal est le suivant : le gouvernement ne contrôle pas la qualité d'un mariage, il ne fait pas de discrimination. L’Église, au contraire, peut le faire, parce que c'est une institution privée, et libre à elle de ne pas célébrer ni reconnaître les mariages homosexuels.

C'est probablement le meilleur argument que j'ai entendu jusqu'ici en faveur du mariage homosexuel. Cependant la sénatrice va un peu vite.

Le problème du Kir

La différence sexuelle des conjoints n'a rien à voir avec la qualité du mariage, et tout à voir avec la définition du mariage. La Sénatrice Savino change la question, et ainsi ne répond pas à l'objection de cet homme qui l'interroge. Il n'a pas dit que les homosexuels feraient de mauvais couples, il a dit que le mariage homosexuel, c'était en soi une contradiction. Comme dit mon ami JR, que je remercie pour ses excellentes contributions à cet article (et je vous recommande le sien), un Kir est une boisson qui allie du vin blanc et de la liqueur de cassis. C'est la définition du Kir. Si je ne met que du vin blanc et pas de liqueur de cassis, ce n'est pas un Kir de mauvaise qualité, ce n'est carrément plus un Kir, mais juste du vin blanc.

Un couple, une couple*

Alors pourquoi les gouvernements cherchent-ils à reconnaître officiellement les mariages (outre pour les impôts) ? Une réponse cohérente avec le concept de mariage tel qu'il est défini depuis l'aube de l'humanité, c'est que l'union d'un homme et d'une femme a tendance à donner des enfants, autrement dit le couple est le fondement naturel de la famille, or la famille est l'unité de base de la nation dont le gouvernement a la charge. Il doit donc s'assurer que la famille offre un cadre favorable au développement des enfants, ce qu'il fait par une institution comme le mariage notamment.

Sans possibilité d'adopter ou d'insémination in vitro, a priori (il y a des exceptions), le couple homosexuel n'a donc pas de bonne raison de réclamer à l’État d'être encadré par une telle institution. C'est d'ailleurs pour ça que ces questions sont directement liées à la question du mariage homosexuel. Je te laisse faire tes recherches sur le développement des enfants dans les familles homosexuelles, quant à la FIV, c'est une procédure médicale lourde et conçue pour les gens qui ont des difficultés biologiques à concevoir, malheureusement parfois considérée comme une sorte de "chirurgie esthétique de la procréation", dont on peut user comme on le souhaite. C'est le "pendant ironique" de l'avortement...

Et donc ?

Le fait est que la plupart des gens n'ont pas réfléchi sérieusement à la question du mariage homosexuel, et n'ont pas étudié la question de l'adoption. Ils sont pour ou contre tout en ignorant les logiques en jeu et les implications pratiques. Mais je ne suis pas là pour te dire quoi penser, parce qu'au final, c'est ton choix que tu devras exprimer. Plutôt, j'espère te faire réfléchir à tout ça. Alors je te laisse avec quelques questions :

=> Est-il légitime de réclamer au gouvernement de reconnaître le mariage homosexuel ? Est-il nécessaire d'obtenir une reconnaissance officielle, ou une tolérance neutre serait-elle suffisante ? Est-il important de donner le nom de mariage à l'union homosexuelle ? Dans quelle mesure l'union civile assure-t-elle déjà les droits réclamés par les couples homosexuels ?

=> L'adoption ouverte aux couples homosexuels permettra-t-elle réellement plus d'adoptions ? Y a-t-il plus d'enfants à adopter que de demandes d'adoption ? D'où viennent les enfants adoptés par des couples français ? Comment les agences d'adoption (de France ou d'ailleurs) réagiront-elles à un changement de législation ? Quelle proportion de couples homosexuels seraient à la fois désireux d'adopter et jugés aptes à l'adoption ? Quels critères doit-on retenir pour qu'un couple soit jugé apte à l'adoption ?

Enfin, pour ce qui est des parents célibataires (qui peuvent adopter, et que l'on compare parfois aux couples homosexuels), rappelons-nous que les parents célibataires le sont rarement par choix, et donc qu'ils sont souvent prompts à rechercher et inviter l'influence d'un parent de l'autre sexe dans l'éducation de son enfant. Il faut donc savoir si on peut en dire autant des couples homosexuel.
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* Un couple est un assemblage de deux choses différentes, une couple est un assemblage de deux choses similaires (comme une paire). On pourrait donc dire "une couple homosexuelle"...

3 septembre 2012

L'amalgame ciblé

Rien de tel qu'un début de semaine pour en finir avec les faux raisonnements !

Aujourd'hui, nous verrons l'amalgame ciblé, que les anglais appellent le "Texas sharpshooter", et qui consiste à voir un lien entre des faits ou des données quand il n'y en a pas.

Mais pour mieux comprendre comment on peut se tromper de cette manière, voici à quoi fait référence l'appellation anglaise : il s'agit d'une blague dans laquelle un Texan aurait tiré sur le mur d'une grange pour ensuite peindre des cercles concentriques rouges et blancs autour du trou, comme une cible, et faire croire qu'il avait mis dans le mille.

Un exemple évident, et absurde, est celui du mouchoir anti-girafe. C'est comme un mouchoir normal, sauf qu'il éloigne les girafes. Et depuis que j'en ai mis un chez moi, en Sologne, je n'ai pas vu une seule girafe ! C'est bougrement efficace.

Plus sérieusement (ou presque), on peut par exemple utiliser une méthode (un algorithme, des mots-clefs, etc.) pour montrer que la Bible, le Coran, ou les œuvres de William Shakespeare contiennent un code secret qui révèle... la date de la fin du monde ? la localisation du tombeau de Jésus ? les chiffres du Loto ? Peu importe, mais en tous cas, personne ne s'en est rendu compte jusqu'ici, alors ça vaut le coup d'écrire un livre là-dessus (voire de créer un mouvement). Seulement, cette méthode ne marche pas pour tous les passages, et on évitera bien sûr de considérer les passages qui ne rentrent pas dans le système.

En pratique, ça donne par exemple les soubassements de la théologie du mouvement David et Jonathan, dont les meneurs cherchent des éléments en faveur de l'homosexualité dans la Bible. En plus de contextualiser à tort et à outrance les passages bibliques qui parlent de l'homosexualité et d’interpréter des silences, ils prétendent détecter des codes et des symboles homosexuels dans les textes bibliques, comme dans les vieux films hollywoodiens (notamment dans les westerns). De là, ils trouvent ce qu'ils veulent trouver dans le texte biblique, et déduisent que le roi David et son beau-frère Jonathan étaient un couple d'homosexuels, et donc, que l'homosexualité est acceptable devant Dieu.