29 octobre 2012

Du lait dans le frigo

On imagine que pour déterminer si une chose existe il faut se fonder sur des faits, qu'on peut répondre à toutes les questions qui concernent l'existence ou la non-existence de cette manière. Mais, en plus d'être simpliste, c'est faux.

L'existence, le caractère factuel, la réalité de différentes choses n'est pas toujours établie ou réfutée de la même manière.

On peut se demander “Est-ce qu'il y a du lait dans le frigo ?” et on saurait comment répondre à cette question. Mais on ne procèderait pas du tout de la même manière pour déterminer l'existence de la pression barométrique, d'un quasar, de la force de gravité, de l'élasticité, de la radioactivité, d'une loi naturelle, ou encore d'un nom, de la grammaire, d'un nombre, et même de la ville dans laquelle on habite, d'événements passés, de possibilités à venir, des lois de la logique, d'obligations politiques, de l'identité individuelle dans le temps, du principe de cause à effet, des souvenirs, des rêves, voire de l'amour ou de la beauté...

Il y a des milliers de choses dont on peut chercher à déterminer l'existence factuelle, et on ne procèdera pas pour toutes de la même manière.

Il suffit pour ça de voir les différences de méthodologie argumentative et des types de preuves utilisées par les biologistes, les grammairiens, les physiciens, les mathématiciens, les avocats, les journalistes, les mécaniciens, les marchands, ou les artistes. Le domaine en question servira à chaque fois de cadre, et c'est selon ce cadre qu'on déterminera la manière de répondre à la question.

Ex : L'existence de Dieu. C'est une question qui concerne une entité métaphysique, et on ne peut pas savoir si Dieu existe comme on peut savoir s'il y a du lait dans le frigo. Il faut réfléchir un peu, et c'est justement tout ce que propose ce blog. 

Les semaines à venir, nous allons nous y intéresser plus spécifiquement.

26 octobre 2012

Face à la violence, que faire ?

Deux fois en peu de temps, des amis se sont confiés à moi au sujet d'une situation violente qui les a troublés, et devant laquelle ils se sont retrouvés désemparés, comme toutes les autres personnes présentes.

Une jeune femme, d'abord, qui en a vu une autre se faire brutalement malmener dans la rue par un homme, et qui était atterrée de l'absence de réaction de la foule environnante. Elle-même a eu peur d'intervenir, étant une fille, et ne se sentant manifestement pas soutenue par d'autres.

Plus grave, un ami me raconte qu'il voit une voiture s'arrêter dans la rue, une femme en sort en criant et en cherchant à appeler la police avec son portable. Un homme de l'autre côté de la voiture, l'attrape violemment et la force à rentrer dans la voiture, puis s'allonge sur elle pendant qu'elle se débat. Étranger, et déstabilisé par l'absence de réaction des passants qui se contentaient de regarder, il hésite à intervenir. Un homme lui dit "C'est la vie ! C'est la vie...". Le presque-viol public prend fin, la voiture redémarre, rideau.

Ces deux amis s'en voulaient. Ils ne comprenaient pas pourquoi personne ne faisait rien, et encore moins pourquoi eux-mêmes n'avaient rien fait. Je vais t'expliquer pourquoi comme je leur ai expliqué, et je vais te recommander ce que je leur ai recommandé pour faire face à ce genre de situation de la manière la plus sûre et efficace possible.

Pourquoi personne ne fait rien, ou l'effet de diffusion

Les chercheurs en psychologie sociale ont beaucoup écrit depuis le cas d'école que fut le meurtre de Kitty Genovese dans les années 1960, malgré le fait qu'il ait été largement exagéré et ne corresponde en réalité pas à l'effet décrit. Pourtant, l'effet existe réellement et a depuis été observé au cours d'expériences sociales.

Le principe, c'est qu'un groupe en présence d'une personne en danger a généralement besoin d'un leader pour réagir. Sans leader, personne ne prend de risque, personne ne prend de responsabilité. Et plus le groupe est grand, plus la responsabilité individuelle est diffuse. Cela semble contre-intuitif, mais en fait, plusieurs mécanismes psychologiques sont à l’œuvre, et notamment les deux raisonnements suivants :

- "Il y a surement quelqu'un d'autre de mieux placé que moi pour intervenir".

- "Si personne ne réagit, c'est peut-être qu'il ne faut pas réagir".

Comment réagir

Il FAUT réagir. TU dois réagir. Dieu ne t'a pas placé sur terre pour que tu doutes ou que tu aies peur, il t'a placé là où tu es pour que tu sois comme lui : juste, plein de compassion, et que tu haïsses le mal, que tu interviennes pour libérer les opprimés, et que tu défendes ceux qui ne peuvent pas se défendre. C'est dangereux, et ça fait peur, mais c'est ta responsabilité de créature faite à l'image de Dieu, et encore plus en tant qu'enfant de Dieu, pour l'amour duquel il a connu la torture et la mort.

Mais tu es probablement faible, comme la plupart des gens. Certainement pas aussi faible que la victime, mais probablement plus faible que l'agresseur. Dans ce genre de situation, comment peux-tu intervenir si tu es faible ? C'est très simple, il te faut du pouvoir. Et tu ne t'en rends peut-être pas compte, mais il y en a partout autour de toi.

Pourquoi les pharisiens et les saducéens n'ont pas lapidé Jésus plus tôt ? Parce qu'ils avaient peur de la foule. Et pourquoi n'ont-ils pas mis Jésus à mort eux-mêmes ? Parce qu'ils avaient peur du gouvernement Romain.

Tu as certainement un téléphone portable. Sors-le, compose le 17, et avance-toi vers l'agresseur en criant que tu appelles la police. Si tu n'obtiens pas de réaction, prends autorité sur la foule, car l'effet de diffusion sera brisé dès que tu responsabiliseras les gens.

Tends ton téléphone à quelqu'un pour qu'il parle à la police, dis-lui de relever la description de l'agresseur (aspect physique, plaque d'immatriculation s'il y a lieu), demande de l'aide à une ou deux personnes imposantes pour attraper la personne violente, et à une autre personne d'éloigner la victime pendant que vous maintiendrez l'agresseur à distance. Et ensuite, fonce. Un conseil : ne cherche pas à être violent, tu ne sais pas où ça peut mener. Il vaut mieux chercher à ceinturer la personne violente que de la frapper, surtout si vous avez l'avantage du nombre. Le but est d'immobiliser l'agresseur jusqu'à l'arrivée de la police.

Le résultat

Ceci étant dit, il faut être prudent (l'agresseur peut être armé) et aussi savoir que la victime peut se retourner contre toi, ou contre vous. Parfois les relations de couple sont malsaines au point que la femme victime pense mériter cette violence, la trouve normale, ou même préfère s'en tirer seule. Pourtant Dieu ne nous tient pas à une obligation de résultat - il ne veut pas que nous réussissions à faire, il veut que nous réussissions à être, et être comme lui. Il ne passerait certainement pas son chemin...

Peut-être que, comme dit mon père, ça ne changera que le lieu des agressions. Mais le but de l'intervention n'est pas de changer le monde, c'est de vivre en accord avec qui on est, d'être ceux que Jésus a fait de nous. Et quand bien même ça ne changerait que le lieu, c'est déjà ça : que les gens violents qui abusent des faibles sachent qu'ils doivent se cacher, qu'ils aient honte, c'est déjà une victoire. D'un autre côté, tu risques d'être blessé, voire tué. Évidemment ça dépend de chaque situation, mais c'est à considérer. Tiendras-tu alors à ta vie plus qu'à être comme Jésus ?

Que Dieu te donne le courage d'assumer qui tu es, et qu'il te garde dans ces situations.

10 octobre 2012

L'Ambiguïté

Et Dieu dit : "Que le lundi soit". Et le lundi fut. Il y eut un soir, il y eut un matin. L'auteur avait beaucoup à faire, et attendit le mercredi pour publier son article... Avec mes excuses, voici le retour de la série sur les faux raisonnements.

On peut toujours s'en sortir. Et plutôt que de chercher du contenu, autant s'en prendre au contenant : jouer sur les ambiguïtés de langage, les quiproquos, utiliser les différents sens d'un mot ou d'une expression, pour manipuler la vérité.

A - Je t'avais demandé de sortir les poubelles.
B - Oui, je l'ai fait.
A - Et celle de la salle de bain ?
B - T'avais pas précisé lesquelles. "Les poubelles", c'est un terme générique...

C'est généralement facile à repérer, on appelle aussi ça de la mauvaise foi. Et, accessoirement, ça permet de s'en sortir quand on voit qu'on s'est planté : en insistant pour ne pas avoir tort en disant que, techniquement, on a raison.

5 octobre 2012

Petit guide de la sexualité

J'ai déjà abordé le sujet il y a deux ans, mais cette fois-ci j'en parlerai au sens large : la réduire à la copulation nous conduirait à froidement la valoriser par son potentiel procréateur ou orgasmique... Or, la sexualité c'est plus que ça.

C'est aussi et entre autres : l'intimité, la tendresse, le don de soi (qui peut impliquer la chasteté et la virginité), la liberté, l'attachement, sans oublier l'affection bien sûr... Tout cela, on doit bien le reconnaître, peut être vécu par un couple hétérosexuel aussi bien que par un couple homosexuel. Voilà un terrain commun qui peut être la base d'une discussion, et d'une reconnaissance.

Pour autant, l'homosexuel ne peut pas faire l'expérience de la fonction procréatrice de la sexualité, et il ne peut pas faire l'expérience de l'altérité comme différence sexuelle (qui implique une intelligence, une sensibilité, une affectivité, une esthétique différentes). Il ne s'agit pas de discrimination, mais de distinction : le couple homosexuel n'est pas semblable au couple hétérosexuel, et il y a une différence entre reconnaître la valeur humaine d'un lien affectif entre personnes du même sexe et lui accorder la même reconnaissance symbolique qu'au couple homme-femme.

L'amour humain, c'est l'amour de l'esprit et du corps – c'est l'amour de la combinaison des deux. Cela, parce que l'homme est un corps et un esprit, non simplement un esprit dans un corps : il n'y a pas de vie humaine possible sans cette union entre corps et esprit. Autrement dit, la vie humaine, ce n'est ni un corps sans esprit, ni un esprit sans corps. Notre corps fait donc partie de notre être autant que notre esprit. Et c'est pour ça que l'homme n'est pas complet sans la femme, et la femme n'est pas complète sans l'homme : ils sont faits l'un pour l'autre du point de vue du corps, et donc, du point de vue de l'esprit aussi.

Qu'en dit la Bible ?

En réalité, elle s'occupe moins de condamner l'homosexualité que d'exalter le mystère de la sexualité, où l'homme et la femme sont appelés à discerner quelque chose du mystère de Dieu : quand la Bible dit que l'humain est créé à l'image de Dieu elle ajoute immédiatement qu'il l'est d'emblée comme homme et femme. La littérature hébraïque utilise souvent des parallélismes pour exprimer une idée, et ici cela signifie que les deux sont liés : la sexualité a quelque chose à voir avec la relation entre l'homme et Dieu.

Cependant, l'homosexualité, aussi peu évoquée qu'elle soit dans la Bible, l'est toujours de manière négative, et va a l'encontre de la finalité créatrice de la sexualité (qui est tout de même à affirmer, même si la parenté est libre et facultative). En tant que lieu privilégié de l'expérience de Dieu, la sexualité est donc à pratiquer dans l'altérité.

Relativiser le message

Plusieurs passages bibliques traitant "négativement" de l'homosexualité, ne pouvant être niés, sont donc remis en question, ou relativisés.

Par exemple, on prétend que l'apôtre Paul avait des points de vues logiques dans sa culture, mais qui ne sont plus d'actualité. Tenez, son discours sur les esclaves qui doivent rester obéissants à leurs maîtres est à relativiser, alors pourquoi pas son discours sur l'homosexualité ? Mais d'une part l'esclavage est un mauvais mot pour décrire la réalité des serviteurs de l'époque (on pense à l'esclavage des africains par les colonisateurs, ce qui est totalement différent); et d'autre part il se trouve que Paul a également exprimé un avis révolutionnaire sur le sujet dans son épître à Philémon - il faut prendre son discours dans son ensemble.

Mais quand bien même, Paul milite avec cohérence pour que chacun reproduise l'exemple de Christ : que le serviteur obéisse à son maître comme Jésus a obéi à son Père bien qu'étant son égal, et que le maître aime et cherche le bien de son serviteur comme le Père l'a fait pour Jésus; de la même manière il milite pour que l'homme et la femme imitent la relation de Dieu le fils et Dieu le Père dans leur relation, soit une union d'êtres égaux, essentiellement similaires et en même temps fondamentalement différents. D'ailleurs, Paul fonde son argumentation précisément sur le destin humain voulu par Dieu et qu'Adam et Ève ont rejeté.

Sodome et Gomorrhe plus en détails

Le livre de la Genèse, chapitre 19, versets 1 à 29 nous raconte comment les habitants des ces deux villes furent punis par Dieu. Bien que ce texte laisse une forte présomption d'homosexualité de la part des habitants, l'Ancien Testament n'interprète pas le crime de Sodome et Gomorrhe comme étant l'homosexualité, mais l'inhospitalité (Gn.13:13 parle de “la méchanceté des habitants de Sodome”; Ez.16:49 mentionne leur "inhospitalité"). Au regard du passage, le crime indéniable ici est le mépris des étrangers.

Pourtant le passage de Jude 1:7 spécifie clairement que le crime puni est celui de la méchanceté et des relations contre-nature, mais on pourrait dire que c'est une interprétation tardive des événements - c'est dans le Nouveau Testament, assez éloigné des faits et potentiellement de la mentalité particulière à l'Ancien Testament. Pour rester dans ce dernier, on trouve en fait une histoire similaire à celle de Sodome et Gomorrhe dans le livre des Juges, chapitre 19, versets 22 à 25. Le phrasé est presque identique, et il est clair que dans ces circonstances, connaître fait référence à un mal, une infamie, une chose qui déshonore. L'inhospitalité et la méchanceté des gens du coin est manifestement de l'ordre de l'abus sexuel. Encore une fois, le parallélisme entre les deux passages est porteur de sens, et indique la nature du crime de Sodome & Gomorrhe.

Sans oublier les prétendues icônes Gay de l'Ancien Testament...

Il s'agit bien sûr de David et Jonathan. Certes, les mêmes expressions sont employées pour décrire leur amour et celui entre un homme et d'une femme (1Sam.18:1,19:1, 2Sam.1:26), mais c'est avant tout pour souligner la fidélité qui caractérisait leur relation, plutôt que la nature de l'amour. On parle de leur amitié comme d'un mariage politique, Jonathan ayant compris que Dieu avait choisi David comme successeur de son père Saül. En outre, les pulsions de David étaient clairement tournées vers le sexe opposé, comme le montre son comportement envers Bethsabée. 

Qu'il ait eu un amour particulier pour Jonathan ne peut d'ailleurs nous surprendre que hors-contexte. A cette époque les femmes étaient assez peu éduquées et cherchaient avant tout à plaire physiquement (et particulièrement celles qu'on présentait au roi). Les hommes, eux, devaient faire face à des responsabilités qui réclamaient plus d'éducation, et passaient le plus clair de leur temps entre eux (et c'est encore le cas aujourd'hui au Proche et Moyen-Orient), notamment à la guerre. Jonathan, fils de roi, était certainement très éduqué, et les situations périlleuses auxquelles il a fait face avec David ont certainement forgé des liens très intimes entre eux. Mais, tout ça remis en contexte, rien ne porte à croire qu'il y avait plus qu'une forte amitié fraternelle entre eux.

Que penser de cette vision de la sexualité ?

Toujours pour remettre les choses en contexte, faisons un tour d'horizon du Proche-Orient Ancien, où ont vécu tous ces personnages bibliques : chez leurs voisins les hittites, la zoophilie et le travestisme sont légaux. En Ougarit, les dieux eux-mêmes sont zoophiles ! En Égypte, l'inceste est pratiqué jusque dans la famille royale, de même qu'en Mésopotamie certaines formes d'incestes étaient tolérées. Les Ammonites, eux, sacrifiaient carrément leurs enfants à leurs dieux. Partout dans la région, la castration et la prostitution, dans le cadre d'un culte religieux, étaient courantes. A côté de ça, les prescriptions bibliques au sujet de la sexualité sont étonnamment saines et cohérentes.

Cela montre que l'opinion publique ne suffit pas pour garantir une moralité individuelle et publique de qualité. Et si tu crois qu'on ne commettrait plus ce genre d'égarement moral de nos jours, repenches-toi sur les effets de la "libération" sexuelle depuis mai 68...

1 octobre 2012

L'incrédulité personnelle

Comme chaque lundi, tordons le cou aux faux raisonnements qui parasitent notre esprit. Aujourd'hui, nous parlerons de l'incrédulité personnelle.

On se trompe en concluant que quelque chose est faux simplement parce qu'on a du mal à le croire ou à le comprendre. 

Ce faux raisonnement repose sur la supposition que la vérité est toujours simple. Or, il est évident que ce n'est pas le cas. Bien sûr, ceux qui utilisent cet argument sont conscient de l'incohérence de cette position, et ils ne diront pas que la vérité est forcément simple, mais plutôt que parmi plusieurs explications, la plus simple doit être la bonne.

D'un côté, ils n'auraient pas tout-à-fait tort. Dans les cas d'enquêtes, les scénarios les plus évidents sont, la plupart du temps, les bons (autrement dit, on voit par expérience que le premier suspect qui nous vient à l'esprit est très probablement le coupable). De la même manière, c'est un principe de base de la science : quand on doit choisir parmi plusieurs explications possibles, on choisit par défaut la plus simple.

D'un autre côté, ces deux exemples reposent sur autre chose que la simplicité naturelle des choses :

- dans le premier cas, cela montre que les logiques qui poussent au crime ne sont pas des plus complexes (et là il s'agit spécifiquement de la simplicité de pensée de l'être humain, qui est justement en cause dans ce faux raisonnement);

- dans le deuxième cas c'est une démarche méthodologique pour s'assurer de la vérité des éléments de la théorie par leur caractère nécessaire. Par définition, on peut douter de l'implication d'un élément non-nécessaire, mais pas de celle d'un élément nécessaire.

Voici le bon raisonnement : l'explication la plus simple n'est pas forcément la bonne, et si je ne comprends pas quelque chose, ça ne veut pas dire que ce n'est pas vrai, valide, ou que ça n'existe pas. Cependant, par expérience et par méthodologie, on peut privilégier la plus simple a priori.