5 juillet 2010

Laïcité vs Débat démocratique

Tout d'abord un cours magistral sur Aristote. "Aristote pensait que la Justice, c'était de donner à chacun ce qu'il mérite". Fin du cours.

La question, ou plutôt le débat, commence alors lorsqu'on se demande "Qui mérite quoi?". Admettons qu'il s'agisse d'une distribution de flûtes. Qui mérite les meilleures flûtes ?

Est-ce:

- les meilleurs joueurs de flûte ?
- les pires ?
- tout le monde, et alors on les distribue au hasard ?

Immédiatement, puisqu'il y a plusieurs idées, une autre question survient : Pourquoi ?

Prenons la première idée. Pourquoi les meilleurs joueurs de flûte devraient-ils avoir les meilleures flûtes ?

- Parce qu'ainsi tout le monde en profiterait au maximum - (c'est l'idée du Plus Grand Bien de Tous).

Intéressant. Une autre chose intéressante, c'est que ce n'est pas la réponse d'Aristote. Il pense effectivement que les meilleurs joueurs devraient avoir les meilleures flûtes, mais la raison diffère : c'est parce que le but de l'existence d'une flûte, sa qualité essentielle, c'est de permettre d'atteindre une excellence digne d'admiration.

Prenons maintenant l'exemple du golf. Un célèbre joueur de golf s'est retrouvé handicapé et ne pouvait plus marcher d'un trou à l'autre : il demande qu'on mette une voiturette à sa disposition. Comme ça lui est refusé, il fait un procès et ça va jusqu'à la Cour Suprême.

La loi impose la mise en place d'aménagement pour handicapés dans la mesure où ça ne change pas les caractéristiques essentielles de l'activité. C'est là qu'on voit à quel point la pensée d'Aristote influence encore notre époque, car la question centrale devient : est-ce que de marcher entre les trous est une caractéristique essentielle du golf ?

Au final, le jury donne raison au golfeur, à 7 voies contre 2. Ce qui est intéressant, c'est la note d'un des deux jury qui ont voté contre : "il n'y a pas de caractéristique essentielle au golf, puisque c'est une activité de loisir et non productive, ainsi toutes les règles ont été créées sans nécessité absolue".

Bien sûr, nous ne serons pas d'accord, parce que si nous ne pensions pas que les activités de loisir, comme les disciplines sportives, par les restrictions qu'on appelle "règles", ne permettent pas d'atteindre une excellence digne d'admiration, nous n'aurions aucun intérêt pour ces activités.

Autrement dit, donnez un ballon à 22 personnes lambda sur un terrain de foot, et dites-leur : le but c'est de mettre le ballon dans le goal de l'équipe adverse. En dehors de ça, il n'y a pas de règle. Je doute qu'ils aient envie de jouer à ça.

Alors, où est-ce que je veux en venir avec tout ça ?

Tout simplement au fait que pour faire des choix, sociaux, politiques, juridiques, et autres, nous ne pouvons pas mettre de côté ce qui inspire nos valeurs : nos croyances.

Que ce soit la croyance en un Plus Grand Bien Commun, ou en Dieu, nos croyances philosophiques ou religieuses définissent complètement la manière dont nous voyons le monde et dont nous souhaitons interagir avec ce dernier.

Par exemple : le marriage des homosexuels. La différence d'avis ne reflète pas tant les préférences de chacun (et donc de l'homophobie ou de la tolérance), sinon la croyance en ce qu'est le but du mariage : est-ce de matérialiser une relation entre deux personnes qui s'aiment ? est-ce de procréer ? est-ce de réduire ses impôts ? est-ce de rendre gloire à Dieu ?

Ignorer les croyances de chacun, et chercher à les enfermer dans le domaine du privé, est une mise à mort du débat d'idée démocratique, parce que c'est ignorer les questions de fond pour se chamailler sur les détails de surface. Et quand je dis chamailler, je pense notamment aux "débats" qu'on peut voir au sénat ou pendant les campagnes d'élection... qui, pour le coup, sont comme ce jury contestataire définissait les activités de loisir : non-productifs.

(Cet article s'inspire largement de cette conférence de 20mn, en anglais)

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