26 juillet 2013

Les deux romaines : L'Eglise et la République

Par nature, la République est divine : une et indivisible, absolue, éternelle, et aux valeurs qui transcendent l'humanité (rien que ça). Par sa forme, elle recopie l’Église Catholique Romaine, d'abord dans ses sacrements :

- Le pas si antinomique "baptême républicain",
- La confirmation trouve son équivalent dans le droit de vote au suffrage universel direct et la journée d'appel à la défense,
- Le mariage civil, décliné et modifié à volonté, devient souvent au passage devant le maire une cérémonie ritualisée et pompeuse à la gloire de la République,
- L'eucharistie s'est muée en Fête Nationale où l'on commémore la victoire libératrice et sanglante qui nous réconcilie et nous réunit avec le peuple Français et son État,
- L'ordination, c'est la fonction publique,
- L'extrême-onction a pour pendant républicain la Sécurité Sociale,
- La confession, c'est la Laïcité : s'y conformer, c'est confesser son péché, en affirmant qu'on ne devrait jamais préférer aux vertus républicaines les vices de la religion.

Ensuite dans ses cultes populaires :

- Le football devient l'occasion de chanter par milliers La Marseillaise, un(e) hymne à la Libération sanglante (et si certains refusent impunément de la chanter, cela froisse néanmoins le peuple),
- On canonise les martyrs des deux guerres dites "mondiales" (encore cette prétention à l'universalisme), les monuments à leur gloire post-mortem sont dans chaque village et leur commémoration devient une seconde eucharistie le 11 novembre... dulce et decorum est pro patria mori ("Il est doux et honorable de mourir pour la patrie", vers du poète romain Horace, Les Odes, III.2.13, repris par les partisans de la guerre de 14-18),
- La vénération des saints qui glorifient l'Eglise Catholique laisse place au moment de la Révolution à celle des héros civiques, puis à la Restauration au culte des grands hommes, avec les Lumières, à la célébration des hommes vertueux "qui ont répandu sur le genre humain les bienfaits du savoir, de la législation et du progrès scientifique" (C. Amalvi, L'exemple des grands hommes de l'Histoire de France à l'école et au foyer, 1814-1914, vol.28, p.93 - 1998) - bref tout ce qui glorifie la République, l’État, et la Raison, enfin aujourd'hui le Panthéon et le soldat inconnu au-dessus duquel brûle une flamme éternelle... 
- La IIIe République a même essayé de récupérer Jeanne d'Arc pour la reconvertir en égérie laïque à l'époque le culte de Napoléon déclinait : en 1878, Victor Hugo proposait de consacrer une fête laïque à "la fille du peuple, trahie par le Roi, brûlée par l’Église", et en 1885 on la faisait figurer en couverture du Livre d'Or de la Patrie aux côtés de Vercingétorix sur un autel dominé par La Marseillaise de Rude, qui orne l'Arc de Triomphe (monument dont le commanditaire n'est autre que... Napoléon).

"[L'équation française est] héritée du catholicisme romain et universel, et de l'absolutisme royal. Hors de France, point de salut ! La France républicaine, avec un tel système de représentations mentales qui imprègne tous les espaces affectifs, culturels, linguistiques, administratifs, politiques, voire économiques, pense détenir une vérité intemporelle qui a déjà pensé ce que nous devons penser et qui dit ce que nous devons dire."

     - Alem Surre Garcia, "La Théocratie Républicaine : les avatars du sacré".

Considère enfin que toi-même tu es certainement pris par cette mentalité, toi qui trouves certainement normal que lors de la naturalisation les étrangers doivent promettre que "l'appartenance à la communauté Française doit primer sur les autres solidarités".

Alors, c'est facile de critiquer, mais qu'est-ce que je propose ? Il y aurait beaucoup à dire et à faire pour dé-sacraliser la République en France. Outre la restauration du pouvoir d'arbitre (3e pouvoir, critique et garde-fou entre le gouvernement de l’État et celui de la religion, que seules la Monarchie Absolue et la République Française ont osé supprimer) et une révision du principe de laïcité, par exemple le vote alternatif (méthode de Coombs ou de Borda) et un certain niveau de distributivisme seraient un bon début. Ultimement, la démocratie n'est bonne et possible qu'à un niveau local, et certainement pas à l'échelle d'un pays, mais ça je t'en reparlerai un autre jour.

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