7 novembre 2010

J.R. Tolkien vs C.S. Lewis

Tolkien et Lewis étaient amis, et tous deux s'accordaient sur le pragmatisme du style merveilleux pour représenter de manière visible l'invisible qui existe dans notre monde, mais leurs idées sur la manière d'évangéliser par leurs écrits (les "romans christiques") étaient très différentes.

Tolkien pensait que les éléments du message de Jésus-Christ devaient être repris sans chercher à reformuler l'histoire Biblique. Ainsi, dans Le Seigneur des Anneaux, chaque personnage principal exprime une facette de Jésus, des hommes, ou de Satan, et l'histoire comporte des thèmes clairement inspirés de l'histoire Biblique.

Il y a un grand méchant qui a créé un anneau de pouvoir pour soumettre les êtres vivants à sa volonté maléfique, mais il est vaincu et perd l'anneau. Seulement son existence dépend de l'anneau, tant elle y est liée, ainsi il survit, bien qu'affaibli. Les hommes sont tentés d'utiliser l'anneau pour vaincre le mal, mais l'anneau n'a qu'un seul maître, et son pouvoir corrompt le cœur de l'homme, qui finit par n'être qu'un esclave du grand méchant. Jusqu'à ce qu'une créature des plus faibles prenne sur lui de porter l'anneau, source de tout le mal, et d'être progressivement corrompu par son pouvoir, afin de faire ce qu'aucun autre ne peut faire : l'amener là où il a été forgé et le détruire.

Sauron est une expression de Satan, et l'anneau, du pêché. On voit aussi des facettes de Satan dans tous les monstres. Frodon représente Jésus qui prend sur lui le pêché, alors qu'il est innocent, et porte le fardeau tout du long. Aragorn représente Jésus, le roi qui revient pour réclamer et établir son Royaume. Sam Gamegie est le consolateur qui aide Frodon dans sa tâche et ne le quitte jamais – il incarne l'Esprit Saint. Gandalf le Gris est à la fois une représentation de Dieu le Père (sage et mentor) et de Jésus qui meurt, descend en Enfer (chute dans la mine de la Moria), vainc la mort (le Balrog), ressuscite et a un corps transformé (il est devenu Gandalf le Blanc).

Tolkien a puisé dans la mythologie pré-chrétienne et l'a réinventée. Les mythes anglo-saxons pré-chrétiens annonçaient qu'à la fin des temps, le bien et le mal s'affronterait, mais que le mal gagnerait. De là naissait l'idée de noblesse dans le combat d'autant plus juste que c'était une cause perdue. C'est pour ça que les anglo-saxons furent fasciné par l'histoire de Jésus qui se sacrifie et semble perdre devant Satan. Mais là où la mythologie était pessimiste et défaitiste, la Bible est optimiste, et Tolkien a su garder l'esprit de tristesse de l'une tout en y intégrant l'esprit victorieux de l'autre.

Lewis était d'un autre avis. Pour lui, il fallait être clair, et reproduire ce qu'il estimait être la meilleure histoire au monde le plus fidèlement possible. C'est pourquoi dans Le Monde de Narnia, Azlan est clairement identifié à Jésus, et la Reine des Glaces à Satan.

Si je dois reconnaître que le style de Tolkien me plaît plus que celui de Lewis, c'est pourtant en voyant Le Monde de Narnia pour la deuxième fois (et cette fois-ci sachant que c'était une œuvre d'évangélisation) que j'ai réalisé ce que la foi chrétienne avait à m'offrir. Je ne dis pas que Le Seigneur des Anneaux ne m'aurait pas permis la même chose, mais simplement que les deux fonctionnent.

Enfin, un troisième auteur m'intrigue. Il est difficile de trouver des commentaires sur sa théologie ou sur sa philosophie de l'écriture. Révérend Dodgson, bien que vous le connaissiez sous un autre nom, est l'auteur d'une représentation de Dieu des plus pertinente pour notre génération, à mon avis. Il s'agit de l'Épée Vorpale.

C'est une épée, qui semble être un objet inanimé, mais on dit qu'elle a une volonté propre. Avant son grand combat contre le dragonesque Jabberwocky, Alice, qui ne sait pas se battre, se voit conseiller de « simplement s'accrocher à l'épée », parce que c'est l'épée qui fera le reste. Enfin, quand le Jabberwocky avance sur Alice, il dit « Ah, mon éternel ennemi ». Croyant qu'il lui parle, Alice se défend : elle vient à peine de le rencontrer. Et la réponse du Jabberwocky est des plus intéressantes : « Silence, simple serviteur ! Je m'adressais à la Vorpale ».

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