29 mars 2013

L'oeuf ou la poule ?

La vie se résume à une question étrangement simple : Qu'est-ce qui était là en premier ? Et la réponse que l'on donne va orienter toute la perception que l'on aura de la réalité. Selon Hermann Bavinck, un philosophe et théologien hollandais du 20e siècle, il n'y a que trois réponses possibles.

1. L'OEUF - autrement dit, l'esprit. Selon cette vision des choses, au commencement tout n'était qu'esprit, et le monde est un produit de cet esprit. C'est ce qu'on appelle le panthéisme : tout est spirituel, et en ce sens, tout est divin. Mais il faut ensuite expliquer l'apparition de la matière (le monde tel qu'on le connaît), et pour ce faire, prolongeons la métaphore :
  • A la coque. Quand on fait un oeuf à la coque, on veut que le centre reste liquide et que la périphérie durcisse. De la même manière, on peut imaginer l'origine de l'univers ainsi : du centre spirituel aurait "émané" le monde, qui serait un durcissement, une matérialisation de l'esprit à la périphérie. C'est une vision "émanationniste" du panthéisme.
  • En omelette. L'omelette est probablement la transformation de l'oeuf qui s'éloigne de plus de son état de base. De la même manière, une seconde vision des choses, c'est celle d'un monde en devenir, un monde qui atteint progressivement l'état de divinité. Ainsi la matière n'est qu'un état transitoire de l'esprit qui se divinise. C'est une vison "évolutionniste" du panthéisme.
  • Le blanc et le jaune. Enfin, une troisième manière de voir les choses, c'est que l'esprit, au lieu d'être unifié, serait double : deux principes opposés qui seraient à l'origine du monde, et donc le monde lui aussi serait fondamentalement double : le ying et le yang, par exemple. C'est une vision dualiste du panthéisme.


2. LA POULE - autrement dit, la matière. Selon cette vision des choses, c'est la matière qui est à l'origine de tout. En fait, tout est matière ! Et donc, c'est un terme indéfinissable, (même si certains s'aventurent à dire que l'unité de base de la matière, c'est l'atome). C'est ce qu'on appelle le matérialisme - non pas l'amour du confort ou des choses matérielles, mais la vision du monde selon laquelle la matière précède et produit tout. Ainsi l'esprit (le spirituel, le "divin") n'est qu'une caractéristique de la matière, contenue dès le départ sous forme de potentiel, et qui finit par s'exprimer - tout comme la poule a la capacité de pondre un oeuf, la matière a la capacité de produire le spirituel.


Mais en fait, comme tu le sais certainement, la question de l'oeuf ou la poule est sans issue satisfaisante. Et c'est la même chose avec l'esprit et la matière. Le panthéisme veut expliquer la matière à partir de l'esprit, et le matérialisme veut expliquer l'esprit à partir de la matière. Autrement dit, ce ne sont pas des opposés mais les deux faces d'une même pièce. Chacun s'intéresse à la même transition, bien que dans deux directions différentes, et chacun est donc sujet aux mêmes objections. Car chacune de ces visions a mis de nombreux mots sur ces transitions, pour tenter de les expliquer - en vain.

En fait, ces deux systèmes n'ont cessé d'être formulés et reformulés, popularisés, puis abandonnés tout au long de l'histoire de l'humanité. S'ils offraient réellement une explication intellectuellement satisfaisante, ce ne serait pas le cas. Panthéisme et matérialisme ne sont pas le résultat d'une science exacte, mais de la philosophie, d'une vision du monde, d'un système de croyance. Ni l'un ni l'autre ne sont une "connaissance" au sens strict du terme - bien que le matérialisme aime à se faire passer pour une science exacte.

Et cela nous mène vers la troisième réponse...

3. AUCUN. La vision du monde proposée par la Bible, dite "théiste", c'est que Dieu a tout créé à partir de rien. Comment ? Mystère. Si ce raisonnement te semble un suicide intellectuel, alors prenons le principe de Sherlock Holmes : il faut éliminer toutes les impossibilités, et ce qui reste, aussi incroyable que cela paraisse, doit nécessairement être vrai.

D'un côté le panthéisme nous propose l'idée, nébuleuse, d'un principe spirituel unique qui contient tous les potentiels et choisit librement de s'incarner, se diviser et se différencier. Tout s'explique donc ainsi : l'esprit a produit la matière parce qu'il l'a voulu - et on ne vous dira rien de plus, car ce serait trop se rapprocher du concept de Dieu chrétien.

D'un autre côté, dans ses formulations plus abouties le matérialisme nous parle de principes matériels multiples (les atomes) qui se voient affubler sans raison des caractéristiques divines qui vont au-delà de l'observable (on prétend que les atomes sont éternels, immuables, indivisibles et indestructibles). Et en fait, on est même incapable de vous dire ce qu'on entend par "matière", ni comment cette chose inerte a pu "se mouvoir" pour produire quoi que ce soit, et encore moins la conscience - à moins de faire du mouvement et de la conscience des états fondamentaux de la matière... autrement dit, d'en faire un Dieu.

Bref, on nage dans le mystère le plus complet, mais au lieu de le reconnaître, on prétend le définir et le comprendre... Quel avantage par rapport à la version biblique ! Ne serait-il pas plus honnête de reconnaître humblement, comme le théisme chrétien le propose depuis plus de 4000 ans, qu'on est désarmé devant ce mystère originel ?

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