12 avril 2013

Culture et religion

Je le disais dans mon dernière article, le culte fonde la culture. Je ne suis pas le premier à avancer cette idée : le philosophe et théologien allemand Paul Tillich disait que "La religion est l'essence de la culture, et la culture est la forme de la religion", et  le poète et dramaturge américain T.S. Eliot que la culture est "l'incarnation de la religion" d'un peuple, c'est sa religion vécue.

Ceci va à l'encontre de ce présupposé très répandu à notre époque qui est que les religions ne sont qu'une projection de l'esprit, une tentative de manipuler la réalité par la magie, où l'homme crée des dieux à son image. Ironiquement, c'est exactement ce que reprochent les prophètes de la Bible à ceux qui rendent un culte à des divinités païennes plutôt qu'au seul vrai Dieu. Autrement dit, ce que notre génération athée pense des religions, c'est ce que Dieu pense des fausses religions.

La religion ne peut pas être qu'un moyen d'expression culturelle comme un autre. Cela, parce que si l'homme est culturel par nature, et en partie le produit de sa culture, il contribue également à la créer, et en cela il la dépasse, or il ne peut pas dépasser sa foi de la même manière. La foi religieuse, celle qui relie l'homme à l'absolu, à l'éternel, au transcendant, constitue le fond; la culture et le culte manifeste en sont la forme. Et  l'influence de la culture sur la manifestation cultuelle ne revèle rien de leur hiérarchie (car corrélation n'est pas cause).

Sécularisation ? En Europe, depuis l'époque moderne, les fondements judéo-chrétiens s'estompent. En France particulièrement, cela passe par le biais de la laïcité - qui ne devrait être qu'une séparation entre l'Eglise et l'Etat, mais qui dans les faits vise à déconnecter la culture Française de la religion chrétienne. Et comme on ne peut déconnecter une culture de son culte sans la fonder sur un autre, à la place notre gouvernement choisit pour nous un fondement principalement matérialiste (mais qui peut basculer vers le panthéisme sans difficulté).

En effet, il n'y a pas de culture vraiment sécularisée, c'est-à-dire neutre du point de vue moral et religieux. L'être humain est moral et religieux, sa culture l'est donc nécessairement - même le Communisme et le Nazisme avaient leurs dieux et leurs diables, leur salut et leur péché, leurs prêtres et leurs liturgies, leur paradis et leur enfer.

On retrouve encore une fois cela dans la Bible, où la vraie religion est définie comme la relation spirituelle avec Dieu (positive ou négative). L'observance cultuelle n'est que manifestation externe de cette dernière. Ainsi la religion détermine la forme de la culture et celle du culte.

Regardons notre culture : quelle religion révèle-t-elle ? Une piste serait l'individuo-globalisme. A défaut d'un nom plus élégant, c'est en tous cas ainsi que le sociologue des religions Raphaël Liogier l'a baptisée, désignant la recherche d'un épanouissement personnel (culte du corps, de l'apparence physique et du bien-être) qui passe nécessairement par la prise de conscience d'enjeux planétaires : écologie, humanitaire, diversité inter-culturelle, Internet, développement durable...

L'individu côtoie la planète. Il n'y a plus d'intermédiaire - famille, culture, religion institutionnalisée, patrie, tout cela est arrondi à l'inférieur ou au supérieur. Va-t-on se retrouver comme Atlas à porter le poids du monde sur nos épaules ? Et tentera-t-on de s'en débarrasser de la même manière ? L'histoire nous enseigne que ça ne marchera pas... Qui viendra prendre notre place ?

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