Qu'est-ce
que la laïcité ?
Selon le Larousse et d'autre ressources spécialisées, c'est une
séparation de la société civile et de la société religieuse pour
rendre cette première impartiale et neutre car indépendante des
conceptions religieuses ou partisanes.
Quelle
blague !
Une culture ne peut pas s'organiser sans son culte. Et si on chasse
le sacré, c'est pour mieux prendre sa place : la République
Française n'a pas séparé la religion de l'État, ni à la
Révolution ni en 1905, au contraire si elle a détrôné l'Église
Catholique Romaine c'est afin de mieux la remplacer. C'était
l'intention explicite de Robespierre, même si cependant il imaginait
qu'après un temps le peuple français oublierait son goût pour le
sacré... c'était sans compter la nature profondément religieuse de
l'homme (ecce
homo
religiosus1
- ou homo
adorans2).
Marianne
est une nouvelle Église, et même plus : c'est par nature une Église
ante-Catholique (et donc anti-Catholique), qui voulait être Église
à la place de l'Église, comme nous le verrons à loisir dans cette
série d'articles. Intéressons-nous aujourd'hui à la
fête nationale, que nous avons célébrée il y a peu. Une bonne
question à se poser, c'est "qu'a-t-on fêté exactement ?"
La "prise" de la
Bastille... ?
Retour
sur l'histoire...
Motivations.
D'abord, ce qui a principalement motivé l'insurrection armée en
1789, c'est la faim et la peur d'une famine organisée pour mater les
contestations. La Bastille n'a pas été
attaquée comme symbole de l'absolutisme royal : d'une part elle ne
renfermait plus que 7 détenus dont aucun n'avait été arrêté par
lettre de cachet (d'ailleurs seuls 4 à 5% de sa population fut le
résultat d'emprisonnements politiques, le reste concernait des gens
incarcérés à la demande de leur famille), d'autre part sa terrible
réputation était attribuée en partie aux ministres et non
exclusivement au Roi lui-même (S.N.H. Linguet, Mémoires
sur la Bastille, 1783).
En
réalité, après les armes récupérées aux Invalides, ce sont les
stocks de poudre et de munitions que la foule est venue chercher à
la Bastille. Et même alors, l'attaque n'a pas eu lieu d'emblée :
les négociations, certes tendues, étaient en cours pour la
reddition pacifique de la Bastille, quand une explosion fit paniquer
les deux camps, débouchant sur un carnage. Bilan, une centaine de
morts. Est-ce bien cela qu'on fête chaque été avec un feu
d'artifice ? Peut-être.
Pourquoi
une réponse aussi vague ? Pas pour le
politiquement correct (tu me connais), mais plutôt parce que, dans
les faits, on ne sait pas exactement si on fête le 14 juillet 1789
("Prise" de la Bastille) ou le 14 juillet 1790 (Fête de la
Fédération). Et c'est intentionnel : comme nous allons le voir, les
deux dates ont des symboliques diamétralement opposées, et c'est
bien pour ça qu'en 1880, quand la date du jour est devenue officielle, on a
omis de préciser l'année de référence.
Au
lendemain de la Révolution, tout le système politique et
administratif français est restructuré, et des fédérations de
gardes nationales se développent. L’Assemblée Constituante y voit
une occasion de réconciliation et d'unité, et propose d'unir toutes les fédérations en une seule, proclamant donc une fête
de la Fédération. Lyon en tiendra une le 30 mai. C'est le Général
Lafayette qui décréta en 1790 le 14 juillet comme fête nationale,
la France et ses fédérations convergent vers Paris pour la célébrer (d'où le défilé militaire du 14 juillet). Ce fut
partiellement en hommage aux événements de l'année précédente,
et partiellement aussi pour les recouvrir d'un nouveau symbole : la
réconciliation et l'unité nationale autour du roi et en présence
de l'Église Catholique.
En
effet, la messe y est célébrée, on chante le Te
Deum (cantique chrétien, traditionnellement
réservé aux fêtes) et les officiers prêtent un serment de
fidélité à la nation, à la loi et au Roi, serment repris par le
peuple. Le tout en présence du Roi, qui prête serment lui aussi.
Les parisiens présentant cette célébration à la France entière
annonçaient d'ailleurs : "Qu'il
sera beau le jour de l'alliance des Français!"...
On croirait le catéchisme Catholique sur l'eucharistie, répétition
de l'alliance qui unit les chrétiens entre eux et avec leur roi
céleste. Le drapeau Français, qui avait jusqu'ici toujours été blanc (couleur de la Royauté), se voit complété par le bleu (couleur de Paris) et le rouge (couleur du peuple) : c'est la réconciliation et l'union des trois qui sera le symbole de la nouvelle France.
La
Fête de la Fédération n'est célébrée que deux fois pendant la
première République : en 1790 et, avec moins d'enthousiasme, en
1792. La fuite du Roi à Varennes début juillet 1791 empêche
l'Assemblée de s'y associer, deux ans plus tard c'est l'assassinat
de Marat la veille de la fête qui limite sa célébration à
l'enceinte de l'Assemblée. Napoléon 1er proclamera ensuite son
anniversaire, le 15 août, comme fête nationale (en plus d'être la
fête de l'Assomption de Marie depuis au moins 200 ans). Il faudra
attendre 1880 pour que les députés rétablissent le 14 juillet,
sans messe ni cantique (bref, sans Dieu), et sans préciser non plus
de quel 14 juillet il s'agit, pour ménager les républicains et les
conservateurs (c'est donc à plus d'un titre une fête de
réconciliation et d'unité). Les célébrations reprendront en 1890.
Que
fête-t-on donc ? La plupart des gens pensent fêter
la "prise" de la Bastille, mais il est probable que les
représentations qu'ils en ont n'aient rien à voir avec la réalité.
Et la fêteraient-ils, cette réalité, s'ils y avaient assisté ?
Quant à la Fête de la Fédération, à défaut d'en exposer
clairement la signification, notre 14 juillet en garde au moins la
fonction et les symboles (drapeau, défilé militaire) : vecteur de réconciliation et d'unité nationale. L'Église
Républicaine célèbre son eucharistie.
___
1
R.R. Marrett, Gilford
Lectures, 1932. Expression
popularisée par M.Eliade, Le
Sacré et le Profane, 1974.
2
Schmemann, 1973.
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