Mon ami Sam P-L (qui blogue à La Rebellution) m'a indiqué ce compte-rendu de discussion entre Peter Kreeft et un de ses professeurs homosexuels, qui remettait en question le dicton chrétien "Aime le pécheur, hais le péché".
Si vous avez suivi mes articles sur les faux raisonnements, vous pourrez vous amuser à relever quelques erreurs de part et d'autre.
Cependant ici, si Peter Kreeft cherche d'abord à réfuter l'argumentation de son professeur, il finit par comprendre son point de vue, et vous verrez que la perspective d'un homosexuel sur le sujet a de quoi nous faire réfléchir. Voici la discussion telle qu'il la rapporte :
___
Mon professeur à l'Université de Boston était un activiste homosexuel réfléchi et il prétendait que "Catholique" et "Gay" étaient tout aussi compatibles que "café" et "croissant"*. J'estimais cet homme pour sa clarté intellectuelle, pour son intelligence, pour l'ouverture et l'apparente bonne volonté de son coeur, ainsi j'espérais qu'une conversation avec lui pourrait ouvrir et éclairer nos esprits à chacun, et qu'on en retire quelque chose de nouveau (ce qui n'arrive presque jamais quand un homosexuel débat avec un chrétien à ce sujet).
Je n'ai pas été déçu.
Je vais essayer de restituer notre dialogue avec le moins d'ajouts et de vernis possible, tout comme j'aime à croire que Platon à fait pour Socrate dans ses premier dialogues. A des fins d'anonymat, j'appellerai mon interlocuteur "Art".
PETER: Art, je m'intéresse beaucoup à un élément de ton argumentation, un élément que je ne comprends tout simplement pas. Et je crois qu'il est bon d'écouter avant de débattre, comme tu dis le faire toi-même. Alors pour commencer je ne veux pas débattre, ce n'est pas le but de ma question, mais avant tout écouter et comprendre. D'accord ?
ART: Bien sûr. Quel est l'élement que tu ne comprends pas ?
PETER: Et bien, pour te t'expliquer ça, il faut d'abord que je te demande d'écouter aussi, pour que tu connaisses mon arrière-plan.
ART: Et quel est-il ?
PETER: Les enseignements de la Bible et de l'Eglise*, tous sans exception. Je sais que tu ne crois pas à tous ces enseignements, seulement certains d'entre eux. Mais c'est le cas pour moi. Alors de mon point de vue, ce que tu fais, ce que tu justifies, est un péché. C'est cette étiquette que tu rejettes, n'est-ce pas ?
ART: En effet. Alors qu'est-ce que tu ne comprends pas ?
PETER: S'il te plaît, ne le prends pas personnellement - ou même comme un argument - mais je ne sais pas comment exprimer ce que je vais dire autrement qu'avec un langage biblique, que tu trouveras probablement offensant. Voici ma question : Pourquoi est-ce que vous, les homosexuels, la seule catégorie de pécheurs qui non seulement niez que votre péché soit un péché, mais en plus qui insistez pour vous identifier à ce péché ? Nous sommes tous des pécheurs, d'une manière ou d'une autre, et je ne suppose pas que tes péchés soient pires que les miens, mais au moins je pense que je suis plus que mes péchés, quels qu'ils soient. J'aime le pécheur mais je hais le péché. Mais pas toi, je me trompe ?
ART: Non, en effet. Ce que je hais, c'est cette distinction hypocrite.
PETER: Pourquoi ?
ART: Parce que quand tu t'en prends à l'homosexualité, tu t'en prends aux homosexuels. C'est aussi simple que ça.
PETER: Mais les alcooliques ne disent pas que l'Eglise s'en prend à eux quand elle s'en prend à l'alcoolisme. Et les lâches ne disent pas qu'ils sont leur lâcheté. Et les meurtriers ne disent pas que l'Eglise est hypocrite quand elle condamne leurs actes mais pas eux, les pécheurs. Les personnes qui commentent l'adultère ne nient pas la distinction entre la personne et son acte. Le seule groupe de pécheurs que j'aie jamais entendu faire ça, c'est vous. Et j'ai l'impression que vous faites tous ça, que vous dites tout le temps ça. Tous les homosexuels disent ça, n'est-ce pas ?
ART: Oui, nous le faisons tous. Et je te pardonne d'être si insensible que tu ne te rends pas compte que tu viens tout juste de faire ce que tu prétends que l'Eglise ne fait pas : m'insulter et me rejeter moi, et non simplement ce que je fais.
PETER: Attends une seconde ! Tu es en train de me dire que quand je fais cette distinction entre ce que tu es et ce que tu fais, quand j'accepte que tu es distinct de ce que tu fais, je rejette ce que tu es ? Comment est-ce que je peux rejeter ce que tu es en acceptant ce que tu es ?
ART: C'est exactement ce que tu fais. En fait, tu essayes de me tuer.
PETER: Quoi ? C'est complètement dingue. Tu es parano, c'est tout.
ART: Non, écoute : quand tu essayes de séparer ce que je fais de ce que je suis, tu essayes de séparer mon corps de mon âme, ma vie sexuelle de mon identité. C'est ce que tu fais en insistant sur cette distinction. Ta distinction entre ce que tu appelles le "pécheur" et le "péché", en fait, c'est la mort pour moi; c'est la séparation du corps et de l'âme, des actes et de l'identité. Je maintiens les deux ensemble, tu essayes de les séparer, et ça, ça entraine la mort.
PETER: C'est digne d'un sophisme. C'est un argument qui ne correspond tout simplement pas aux faits. Regarde les faits plutôt que le débat. Voici ce que l’Église croit à ton sujet, ce que je crois à ton sujet : tu peux être un saint ! Tu as une dignité. L'Église t'estime plus que tu ne t'estimes toi-même. Elle t'aime plus que tu ne t'aimes toi-même; et c'est pour ça qu'elle hait les péchés que tu commets contre toi-même. Nous croyons que tu es plus grand que tes actes, quels qu'ils soient. Mais tu ne crois pas ça.
ART: L'Église et la Bible me disent que je suis une abomination pour Dieu.
PETER: Non ! Pas dans ta personne, seulement dans tes péchés, comme nous aussi, comme nous tous. C'est ce que Dieu dit en Romains chapitre 1. Il condamne la condamnation hypocrite des païens homosexuels par des Juifs hétérosexuels tout autant qu'il condamne l'homosexualité des païens.
ART: L'Église est mon ennemie.
PETER: L'Église est ton amie. Parce que l'Église nous dit deux choses à ton sujet, et non pas une seulement, et elle ne changera jamais ni l'une ni l'autre, elle ne peut changer ni l'une ni l'autre, parce que ces deux choses relèvent d'une loi naturelle immuable, fondée sur une loi éternelle, fondée sur la nature même de Dieu.
Elle ne pourra jamais dire que ce que tu fais est bon tout comme elle ne pourra jamais dire que ce que tu es est mauvais. Elle défend ton être de manière aussi absolue qu'elle s'en prend à ton style de vie; elle hait le cancer parce qu'elle aime ton corps. C'est la même autorité pour les deux choses. L'autorité que tu hais quand elle condamne ce que tu fais est ta seule alliée fiable pour défendre ce que tu es.
Tu veux que l'Eglise change son enseignement sur ce que tu fais, et tu cherches à mettre une pression sociale sur elle pour qu'elle le fasse, mais si elle faisait ça, alors elle pourrait aussi changer son enseignement sur ce que tu es également, pour la même raison, à cause de la pression sociale.
Je suis certain que tu sais que la vieille pression sociale qui voulait qu'on haïsse les homosexuels est loin d'avoir disparu. Tu sais ce qui est arrivé dans l'Allemagne d'Hitler. Tu sais comme l'humanité est volubile et influençable, et à quel point elle peut se révéler dangereuse. Quand le dernier bastion d'une loi morale absolue sera compromise, quand même l'Eglise pliera sous le poids de la pression sociale, quel refuge auras-tu alors ?
ART: Ce n'est pas la Gauche mais la Droite qui m'inquiète.
PETER: Aujourd'hui, peut-être, mais demain ? Aujourd'hui la mode c'est d'être à gauche, mais il y a peu la mode c'était d'être à droite, et demain ça pourrait retourner à droite, comme un pendule. Tu ne peux pas compter sur des opinions à la mode pour te protéger. C'est construire des châteaux de sable. Les marées finissent toujours par changer et les renverser.
ART: Merci, mais je tente ma chance. Je ne sais pas ce qui adviendra à l'avenir, je te l'accorde. Mais je sais ce qui se passe maintenant, et je ne peux pas accepter ça. Nous ne pouvons tout simplement pas accepter votre distinction à la "aime le pécheur, hais le péché". Nous savons au moins ça.
PETER: Tu ne m'as toujours pas expliqué pourquoi. J'ai commencé par poser une question, et je veux vraiment une réponse. Je veux comprendre ce qui se passe dans ton esprit.
ART: D'accord, je crois que je peux te l'expliquer. Tu dis que je ne devrais pas me sentir menacé par cette distinction, pas vrai ?
PETER: Oui.
ART: Tu dis que l'Église dit qu'elle m'aime, bien qu'elle haïsse ce que je fais, c'est ça ?
PETER: Oui.
ART: Et bien, imagine que la situation soit inversée. Imagine que ce soit vous, la minorité. Imagine que ce que vous vouliez faire, c'est avoir des églises et des sacrements et des Bibles et des prières, et que ceux qui sont au pouvoir vous disent : "Nous haïssons ça. Nous haïssons ce que vous faites. Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour vous empêcher de faire ce que vous faites. Mais nous vous aimons. Nous aimons ce que vous êtes. Nous aimons les chrétiens, simplement nous haïssons le Christianisme. Nous aimons ceux qui rendent un culte, simplement nous haïssons le fait de rendre un culte". Et nous allons vous mettre toute la pression possible pour que vous ayez honte de rendre un culte et vous faire vous repentir de votre péché. Mais nous vous aimons. Nous affirmons votre dignité en tant qu'être. Simplement, nous rejetons l'indignité de votre pratique."
Dis-moi, comment tu réagirais à ça ? Est-ce que tu accepterais leur distinction ?
PETER: Tu sais, je n'y avais jamais pensé de cette manière-là. Merci. Tu m'as vraiment permis de voir les choses sous un nouvel angle. Tu as raison. J'aurais du mal à accepter cette distinction. Je ne pourrais pas l'accepter. En fait, je dirais plus ou moins ce que tu as dit : que ce serait comme d'essayer de tuer mon identité.
ART: Tu vois ? Maintenant tu comprends ce que je ressens.
PETER: Oui, je pense que oui. Merci beaucoup de m'avoir montré ça. Mais est-ce qe tu te rends compte de ce que tu viens de dire ? De ce que tu viens de me montrer ?
ART: Qu'est-ce que tu veux dire ?
PETER: Tu viens de me dire que la sodomie était ta religion.
- Extrait de "How to win the culture war", de Peter Kreeft.
(Notez que je déplore le langage cru de Peter Kreeft à la fin de ce dialogue, et sa caricature. Néanmoins, il marque un point : refuser de faire la distinction entre la personne qui a des attirances homosexuelles et la pratique du rapport homosexuel, c'est faire de l'homosexualité une religion).
___
* "café" et "croissant" : Dans le texte original, il ne s'agit pas de café et croissant mais de jambon et oeufs, en référence au petit-déjeuner américain typique. Ceci dit, j'ai adapté ces éléments à un contexte français pour que la comparaison garde son impact.
* l'Eglise : Notez que Peter Kreeft est Catholique Romain.
Si vous avez suivi mes articles sur les faux raisonnements, vous pourrez vous amuser à relever quelques erreurs de part et d'autre.
Cependant ici, si Peter Kreeft cherche d'abord à réfuter l'argumentation de son professeur, il finit par comprendre son point de vue, et vous verrez que la perspective d'un homosexuel sur le sujet a de quoi nous faire réfléchir. Voici la discussion telle qu'il la rapporte :
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Mon professeur à l'Université de Boston était un activiste homosexuel réfléchi et il prétendait que "Catholique" et "Gay" étaient tout aussi compatibles que "café" et "croissant"*. J'estimais cet homme pour sa clarté intellectuelle, pour son intelligence, pour l'ouverture et l'apparente bonne volonté de son coeur, ainsi j'espérais qu'une conversation avec lui pourrait ouvrir et éclairer nos esprits à chacun, et qu'on en retire quelque chose de nouveau (ce qui n'arrive presque jamais quand un homosexuel débat avec un chrétien à ce sujet).
Je n'ai pas été déçu.
Je vais essayer de restituer notre dialogue avec le moins d'ajouts et de vernis possible, tout comme j'aime à croire que Platon à fait pour Socrate dans ses premier dialogues. A des fins d'anonymat, j'appellerai mon interlocuteur "Art".
PETER: Art, je m'intéresse beaucoup à un élément de ton argumentation, un élément que je ne comprends tout simplement pas. Et je crois qu'il est bon d'écouter avant de débattre, comme tu dis le faire toi-même. Alors pour commencer je ne veux pas débattre, ce n'est pas le but de ma question, mais avant tout écouter et comprendre. D'accord ?
ART: Bien sûr. Quel est l'élement que tu ne comprends pas ?
PETER: Et bien, pour te t'expliquer ça, il faut d'abord que je te demande d'écouter aussi, pour que tu connaisses mon arrière-plan.
ART: Et quel est-il ?
PETER: Les enseignements de la Bible et de l'Eglise*, tous sans exception. Je sais que tu ne crois pas à tous ces enseignements, seulement certains d'entre eux. Mais c'est le cas pour moi. Alors de mon point de vue, ce que tu fais, ce que tu justifies, est un péché. C'est cette étiquette que tu rejettes, n'est-ce pas ?
ART: En effet. Alors qu'est-ce que tu ne comprends pas ?
PETER: S'il te plaît, ne le prends pas personnellement - ou même comme un argument - mais je ne sais pas comment exprimer ce que je vais dire autrement qu'avec un langage biblique, que tu trouveras probablement offensant. Voici ma question : Pourquoi est-ce que vous, les homosexuels, la seule catégorie de pécheurs qui non seulement niez que votre péché soit un péché, mais en plus qui insistez pour vous identifier à ce péché ? Nous sommes tous des pécheurs, d'une manière ou d'une autre, et je ne suppose pas que tes péchés soient pires que les miens, mais au moins je pense que je suis plus que mes péchés, quels qu'ils soient. J'aime le pécheur mais je hais le péché. Mais pas toi, je me trompe ?
ART: Non, en effet. Ce que je hais, c'est cette distinction hypocrite.
PETER: Pourquoi ?
ART: Parce que quand tu t'en prends à l'homosexualité, tu t'en prends aux homosexuels. C'est aussi simple que ça.
PETER: Mais les alcooliques ne disent pas que l'Eglise s'en prend à eux quand elle s'en prend à l'alcoolisme. Et les lâches ne disent pas qu'ils sont leur lâcheté. Et les meurtriers ne disent pas que l'Eglise est hypocrite quand elle condamne leurs actes mais pas eux, les pécheurs. Les personnes qui commentent l'adultère ne nient pas la distinction entre la personne et son acte. Le seule groupe de pécheurs que j'aie jamais entendu faire ça, c'est vous. Et j'ai l'impression que vous faites tous ça, que vous dites tout le temps ça. Tous les homosexuels disent ça, n'est-ce pas ?
ART: Oui, nous le faisons tous. Et je te pardonne d'être si insensible que tu ne te rends pas compte que tu viens tout juste de faire ce que tu prétends que l'Eglise ne fait pas : m'insulter et me rejeter moi, et non simplement ce que je fais.
PETER: Attends une seconde ! Tu es en train de me dire que quand je fais cette distinction entre ce que tu es et ce que tu fais, quand j'accepte que tu es distinct de ce que tu fais, je rejette ce que tu es ? Comment est-ce que je peux rejeter ce que tu es en acceptant ce que tu es ?
ART: C'est exactement ce que tu fais. En fait, tu essayes de me tuer.
PETER: Quoi ? C'est complètement dingue. Tu es parano, c'est tout.
ART: Non, écoute : quand tu essayes de séparer ce que je fais de ce que je suis, tu essayes de séparer mon corps de mon âme, ma vie sexuelle de mon identité. C'est ce que tu fais en insistant sur cette distinction. Ta distinction entre ce que tu appelles le "pécheur" et le "péché", en fait, c'est la mort pour moi; c'est la séparation du corps et de l'âme, des actes et de l'identité. Je maintiens les deux ensemble, tu essayes de les séparer, et ça, ça entraine la mort.
PETER: C'est digne d'un sophisme. C'est un argument qui ne correspond tout simplement pas aux faits. Regarde les faits plutôt que le débat. Voici ce que l’Église croit à ton sujet, ce que je crois à ton sujet : tu peux être un saint ! Tu as une dignité. L'Église t'estime plus que tu ne t'estimes toi-même. Elle t'aime plus que tu ne t'aimes toi-même; et c'est pour ça qu'elle hait les péchés que tu commets contre toi-même. Nous croyons que tu es plus grand que tes actes, quels qu'ils soient. Mais tu ne crois pas ça.
ART: L'Église et la Bible me disent que je suis une abomination pour Dieu.
PETER: Non ! Pas dans ta personne, seulement dans tes péchés, comme nous aussi, comme nous tous. C'est ce que Dieu dit en Romains chapitre 1. Il condamne la condamnation hypocrite des païens homosexuels par des Juifs hétérosexuels tout autant qu'il condamne l'homosexualité des païens.
ART: L'Église est mon ennemie.
PETER: L'Église est ton amie. Parce que l'Église nous dit deux choses à ton sujet, et non pas une seulement, et elle ne changera jamais ni l'une ni l'autre, elle ne peut changer ni l'une ni l'autre, parce que ces deux choses relèvent d'une loi naturelle immuable, fondée sur une loi éternelle, fondée sur la nature même de Dieu.
Elle ne pourra jamais dire que ce que tu fais est bon tout comme elle ne pourra jamais dire que ce que tu es est mauvais. Elle défend ton être de manière aussi absolue qu'elle s'en prend à ton style de vie; elle hait le cancer parce qu'elle aime ton corps. C'est la même autorité pour les deux choses. L'autorité que tu hais quand elle condamne ce que tu fais est ta seule alliée fiable pour défendre ce que tu es.
Tu veux que l'Eglise change son enseignement sur ce que tu fais, et tu cherches à mettre une pression sociale sur elle pour qu'elle le fasse, mais si elle faisait ça, alors elle pourrait aussi changer son enseignement sur ce que tu es également, pour la même raison, à cause de la pression sociale.
Je suis certain que tu sais que la vieille pression sociale qui voulait qu'on haïsse les homosexuels est loin d'avoir disparu. Tu sais ce qui est arrivé dans l'Allemagne d'Hitler. Tu sais comme l'humanité est volubile et influençable, et à quel point elle peut se révéler dangereuse. Quand le dernier bastion d'une loi morale absolue sera compromise, quand même l'Eglise pliera sous le poids de la pression sociale, quel refuge auras-tu alors ?
ART: Ce n'est pas la Gauche mais la Droite qui m'inquiète.
PETER: Aujourd'hui, peut-être, mais demain ? Aujourd'hui la mode c'est d'être à gauche, mais il y a peu la mode c'était d'être à droite, et demain ça pourrait retourner à droite, comme un pendule. Tu ne peux pas compter sur des opinions à la mode pour te protéger. C'est construire des châteaux de sable. Les marées finissent toujours par changer et les renverser.
ART: Merci, mais je tente ma chance. Je ne sais pas ce qui adviendra à l'avenir, je te l'accorde. Mais je sais ce qui se passe maintenant, et je ne peux pas accepter ça. Nous ne pouvons tout simplement pas accepter votre distinction à la "aime le pécheur, hais le péché". Nous savons au moins ça.
PETER: Tu ne m'as toujours pas expliqué pourquoi. J'ai commencé par poser une question, et je veux vraiment une réponse. Je veux comprendre ce qui se passe dans ton esprit.
ART: D'accord, je crois que je peux te l'expliquer. Tu dis que je ne devrais pas me sentir menacé par cette distinction, pas vrai ?
PETER: Oui.
ART: Tu dis que l'Église dit qu'elle m'aime, bien qu'elle haïsse ce que je fais, c'est ça ?
PETER: Oui.
ART: Et bien, imagine que la situation soit inversée. Imagine que ce soit vous, la minorité. Imagine que ce que vous vouliez faire, c'est avoir des églises et des sacrements et des Bibles et des prières, et que ceux qui sont au pouvoir vous disent : "Nous haïssons ça. Nous haïssons ce que vous faites. Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour vous empêcher de faire ce que vous faites. Mais nous vous aimons. Nous aimons ce que vous êtes. Nous aimons les chrétiens, simplement nous haïssons le Christianisme. Nous aimons ceux qui rendent un culte, simplement nous haïssons le fait de rendre un culte". Et nous allons vous mettre toute la pression possible pour que vous ayez honte de rendre un culte et vous faire vous repentir de votre péché. Mais nous vous aimons. Nous affirmons votre dignité en tant qu'être. Simplement, nous rejetons l'indignité de votre pratique."
Dis-moi, comment tu réagirais à ça ? Est-ce que tu accepterais leur distinction ?
PETER: Tu sais, je n'y avais jamais pensé de cette manière-là. Merci. Tu m'as vraiment permis de voir les choses sous un nouvel angle. Tu as raison. J'aurais du mal à accepter cette distinction. Je ne pourrais pas l'accepter. En fait, je dirais plus ou moins ce que tu as dit : que ce serait comme d'essayer de tuer mon identité.
ART: Tu vois ? Maintenant tu comprends ce que je ressens.
PETER: Oui, je pense que oui. Merci beaucoup de m'avoir montré ça. Mais est-ce qe tu te rends compte de ce que tu viens de dire ? De ce que tu viens de me montrer ?
ART: Qu'est-ce que tu veux dire ?
PETER: Tu viens de me dire que la sodomie était ta religion.
- Extrait de "How to win the culture war", de Peter Kreeft.
(Notez que je déplore le langage cru de Peter Kreeft à la fin de ce dialogue, et sa caricature. Néanmoins, il marque un point : refuser de faire la distinction entre la personne qui a des attirances homosexuelles et la pratique du rapport homosexuel, c'est faire de l'homosexualité une religion).
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* "café" et "croissant" : Dans le texte original, il ne s'agit pas de café et croissant mais de jambon et oeufs, en référence au petit-déjeuner américain typique. Ceci dit, j'ai adapté ces éléments à un contexte français pour que la comparaison garde son impact.
* l'Eglise : Notez que Peter Kreeft est Catholique Romain.