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9 septembre 2013

Sacrée France : La 5ème République (depuis 1958)

Les citations du lundi dans cette série sur la République se passeront souvent de commentaires, néanmoins tu en retrouveras parfois quelques extraits dans mes articles du vendredi, ainsi qu'un peu plus de contexte historique. Sur ce, bonne lecture !
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"J'ai pu comparer les deux sacristies, la laïque et la catholique, et j'ai toujours eu le sentiment de deux liturgies".

- Gaston Bonheur1, probablement entre 1958 et 1974, cité dans "La Théocratie Républicaine : les avatars du sacré", p.56.



"Marianne-Mère, c'est le terme que suggérait Gaston Bonheur. (...) Le plus ancien [archétype] et le plus profond (...) est celui de la déesse-mère, terre et eau, fécondité, féminité, culte des fées près des sources, vaguement christianisées (...). 

Marianne cependant, fontaines mises à part, n'a pas séduit seulement nos régions du Midi. La République l'a faite un peu reine de France. Mais une reine ou mère contestée. Et force est bien de constater, pour finir, et pour confirmer ces derniers propos, qu'en termes de psychologie et de symbolique elle a été précisément contestée par des figures masculines de monarque, de père, de chef. Quand l'effigie de la République disparaît de l'emblématique officielle aux lendemains des coups d'État, c'est au profit des visages de Louis-Napoléon Bonaparte, en 1851 ou de Philippe Pétain en 1940. Comme elle eût disparu à plus forte raison au profit de Henri V en 1873. 

Au premier degré de la réflexion on pouvait en conclure que toute monarchie, ou dictature, est un pouvoir personnel symbolisé par le portrait de l'individu gouvernant, tandis que la République, pouvoir collectif et collégial, ne peut avoir que la figure anonyme de l'allégorie. C'est, en gros, à ce premier degré d'analyse que nous nous en étions tenu dans Marianne au Combat : Nous opposions Napoléon-individu à la République-abstraction. Mais nous voilà penchant à y ajouter, au second degré, l'opposition de Napoléon-homme à la République-femme. 

Est-ce légitime ? Oui, à condition que l'on accepte (réserve importante) de connoter l'être masculin d'autorité, de force et de combat, et l'être féminin de conciliation, de douceur et de paix. A condition - répétons-le - que l'on valide ces dernière conventions, l'effigie de Marianne convient mieux en effet à l'idéal théorique de la démocratie républicaine, tandis que les droites monarchique, militaire ou fasciste lui préfèrent évidemment une mâle figure de chef. 

S'il en est bien ainsi, on conclura que, malgré certaines apparences, le véritable mythe antagoniste de la Marianne de France n'a peut-être pas été le mythe chrétien mais le mythe napoléonien, non pas la Sainte Vierge mais le soldat."

- Maurice Agulhon, 1989, Marianne au pouvoir (pages 348 et 349).


"Tous les enfants de France, quelle que soit leur histoire, quelle que soit leur origine, quelle que soit leur croyance, sont les filles et les fils de la République. Ils doivent être reconnus comme tels, dans le droit mais surtout dans les faits. C'est en veillant au respect de cette exigence, c'est par la refondation de notre politique d'intégration, c'est par notre capacité à faire vivre l'égalité des chances que nous redonnerons toute sa vitalité à notre cohésion nationale. (...) 

Après avoir déchiré la France lors de l'adoption de la grande loi républicaine de séparation des églises et de l’État en 1905, une laïcité apaisée a permis de rassembler tous les Français. A l'épreuve de bientôt un siècle d'existence, elle a montré sa sagesse et recueille l'adhésion de toutes les confessions et de tous les courants de pensée. (...)

L'école est au premier chef le lieu d'acquisition et de transmission des valeurs que nous avons en partage. L'instrument par excellence d'enracinement de l'idée républicaine. (...)  L'école est un sanctuaire républicain que nous devons défendre."

- Jacques Chirac, 2003, discours d'installation de la Commission Stasi sur la laïcité.


"Ici depuis Philippe-Auguste on a été occupé, pillé, ravagé, mais l'on n'a jamais pris les armes contre la France, on n'a jamais songé que l'on pouvait être plus libre en étant moins Français. Ici l'on sait depuis toujours qu'être Français c'est être libre, que la France est pour la liberté une garantie et non une menace. (...)

Qu'est-ce que la France ? La France est un miracle. Ce miracle est politique. Il est intellectuel. Il est moral. Il est culturel. C'est le miracle de la France de conjuguer une identité si forte avec une aspiration si grande à l'universalisme. (...)

C'est le miracle de la France de combiner une aussi haute idée de l'État avec une passion aussi grande de la liberté. (...)

C'est le pays des droits de l'homme, c'est le pays qui récuse le plus le communautarisme qui renvoie chacun à ses origines ethniques et religieuses, c'est le pays de la République, qui s'est toujours battu depuis deux cents ans pour la liberté, l'égalité et la fraternité de tous les hommes. (...)

Qu'est-ce que la France ? La France, c'est la République. (...) C'est la foi dans la raison, dans l'Homme et dans le progrès. (...) Être Français c'est aimer la France, c'est vouloir la République, c'est respecter l'État."

- Nicolas Sarkozy, 2007, Discours à Caen.


"La révolution française est l’irruption dans le temps de quelque chose qui n’appartient pas au temps, c’est un commencement absolu, c’est la présence et l’incarnation d’un sens, d’une régénération et d’une expiation du peuple français.

1789, l’année sans pareille, est celle de l’engendrement par un brusque saut de l’histoire d’un homme nouveau. La révolution est un événement méta-historique, c’est-à-dire un événement religieux. La révolution implique l’oubli total de ce qui précède la révolution.

Et donc l’école a un rôle fondamental, puisque l’école doit dépouiller l’enfant de toutes ses attaches pré-républicaines pour l’élever jusqu’à devenir citoyen. Et c’est bien une nouvelle naissance, une transsubstantiation qui opère dans l’école et par l’école, cette nouvelle église avec son nouveau clergé, sa nouvelle liturgie, ses nouvelles tables de la loi. (...)

Ce qui manque au socialisme pour s’accomplir comme la pensée des temps nouveaux, c’est une religion nouvelle : Donc un nouveau dogme, un nouveau régime, un nouveau culte doivent surgir, afin qu’une nouvelle société prenne la place de l’ancienne. (...)

La laïcité elle-même peut alors apparaître comme cette religion de la République recherchée depuis la Révolution. (...)

C’est au socialisme qu’il va revenir d’incarner la révolution religieuse dont l’humanité a besoin, en étant à la fois une révolution morale et une révolution matérielle, et en mettant la seconde au service de la première."

- Vincent Peillon2, 2008, "La Révolution Française n'est pas terminée", p.17,149, 162 et 195.


"Toute l’opération consiste bien, avec la foi laïque, à changer la nature même de la religion, de Dieu, du Christ, et à terrasser définitivement l’Eglise. Non pas seulement l’Eglise catholique, mais toute Eglise et toute orthodoxie. Déisme humain, humanisation de Jésus, religion sans dogme ni autorité ni Eglise, toute l’opération de la laïcité consiste à ne pas abandonner l’idéal, l’infini, la justice et l’amour, le divin, mais à les reconduire dans le fini sous l’espèce d’une exigence et d’une tâche à la fois intellectuelles, morales et politiques."

- Vincent Peillon, 2010, "Une religion pour la République : la foi laïque de Ferdinand Buisson", p.277.


"La République a besoin de rites. La démocratie, c’est une véritable religion, elle a besoin de rites pour être reconnue et acceptée."

- Claude Bartolone3, 2013, interrogé par RTL.
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1 Journaliste et écrivain français.
2 Actuel ministre de l'Education Nationale, c'est un des principaux dirigeants du Parti Socialiste.
3 Président de l'Assemblée Nationale.

2 septembre 2013

Sacrée France : La 4ème République (1946-1958)

Les citations du lundi dans cette série sur la République se passeront souvent de commentaires, néanmoins tu en retrouveras parfois quelques extraits dans mes articles du vendredi, ainsi qu'un peu plus de contexte historique. Sur ce, bonne lecture !
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"Le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés. Il réaffirme solennellement les droits et les libertés de l'homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des Droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République."

- Préambule de la Constitution, 1946, complétant la DDHC de 1789.


"La guerre qui vient de finir a bouleversé de fond en comble les conditions de l'existence et de la puissance de la France. Combien même, en 1940, avaient pu croire à notre effondrement ! (...)

C'est alors que la France libre prit en main tous les pouvoirs, autrement dit tous les devoirs. C'est alors qu'elle assuma la responsabilité de conduire la France jusqu'au salut, la charge de maintenir intacts son intégrité, son indépendance et ses droits, la mission de reporter au combat ses armées de terre, de mer et de l'air et de les diriger jusqu'à la complète victoire, l'engagement de lui rendre sa souveraineté sur elle-même, c'est-à-dire la République. (...)

Il est donc arrivé que nous avons vu se remettre debout notre pays gisant sous l'oppression et que les résultats ont correspondu aux buts fixés et aux promesses faites, c'est-à-dire : la victoire remportée, la liberté reconquise, la souveraineté du peuple intégralement rétablie. (...)

Si nous n'étions pas le peuple français, nous pourrions reculer devant la tâche et nous asseoir au bord de la route en nous livrant au Destin. Mais nous sommes le peuple français ! (...) La République, que nous avons fait sortir du tombeau où l'avait d'abord ensevelie le désespoir national, la République que nous avons rêvée tandis que nous luttions pour elle, la République dont il faut qu'elle se confonde maintenant avec notre rénovation, sera l'efficience, la concorde et la liberté."

- Charles De Gaulle, 1947, Discours de Strasbourg.


"Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France. Le sentiment me l'inspire aussi bien que la raison. Ce qu'il y a en moi d'affectif imagine naturellement la France, telle la princesse des contes ou la madone aux fresques des murs, comme vouée à une destinée éminente et exceptionnelle.

J'ai d'instinct l'impression que la Providence l'a créée pour des succès achevés ou des malheurs exemplaires. S'il advient que la médiocrité marque, pourtant, ses faits et gestes, j'en éprouve la sensation d'une absurde anomalie, imputable aux fautes des Français, non au génie de la patrie.

Mais aussi, le côté positif de mon esprit me convainc que la France n'est réellement elle-même qu'au premier rang : que seules de vastes entreprises sont susceptibles de compenser les ferments de dispersion que son peuple porte en lui-même ; que notre pays tel qu'il est, parmi les autres, tels qu'ils sont, doit, sous peine de danger mortel, viser haut et se tenir droit. Bref, à mon sens, la France ne peut être la France sans grandeur."

- Charles De Gaulle, 1954, Mémoires de Guerre, tome 1.

26 août 2013

Sacrée France : Vichy, CFLN et GPRF (1940-1946)

La révolution devient la référence de tout progrès, de tout avenir : être français, c'est faire la révolution, c'est re-créer et régénérer perpétuellement ; et en des temps de troubles où la France se cherche, être vraiment français c'est faire la vraie révolution. Autrement dit, comme toujours, il est temps de redéfinir les termes pour les faire correspondre aux volontés politiques du moment. C'est alors la IIIe République qui se voit affublée de l'appellation "ancien régime" (discours du 11 octobre 1940 et du 12 août 1941).

"L'ordre nouveau est une nécessité française. Nous devrons, tragiquement, réaliser dans la défaite la révolution que, dans la victoire, dans la paix, dans l'entente volontaire de peuples égaux, nous n'avons même pas su concevoir."

"A tous ceux qui attendent aujourd'hui le salut de la France, je tiens à dire que ce salut est d'abord entre nos mains. A tous ceux que de nobles scrupules tiendraient éloignés de notre pensée, je tiens à dire que le premier devoir de tout Français est d'avoir confiance. (...) Celui qui a pris en mains les destinées de la France a le devoir de créer l'atmosphère la plus favorable à la sauvegarde des intérêts du pays. C'est dans l'honneur et pour maintenir l'unité française, une unité de dix siècles, (...) que j'entre aujourd'hui dans la voie de la collaboration. (...)  Gardez votre confiance en la France éternelle !"

"Si la France ne comprenait pas qu'elle est condamnée, par la force des choses, à changer de régime, elle verrait s'ouvrir devant elle l'abîme où l'Espagne de 1936 a failli disparaître et dont elle ne s'est sauvée que par la foi, la jeunesse et le sacrifice. (...) Aujourd'hui, c'est de vous-mêmes que je veux vous sauver. A mon âge, lorsqu'on fait à son pays le don de sa personne, il n'est plus de sacrifice auquel l'on veuille se dérober ; il n'est plus d'autre règle que celle du salut public. Rappelez-vous ceci : un pays battu, s'il se divise, est un pays qui meurt ; un pays battu, s'il sait s'unir, est un pays qui renaît. Vive la France !"

- Maréchal Pétain, 1940-41, discours du 11 et du 30 octobre 1941 et du 12 août 1941.

Il ne faut pas beaucoup pousser les français pour qu'ils reviennent au culte de la personnalité, avec quelques nouveautés, comme l'adoption du salut "à la romaine" (bras tendu, comme le salut de l'Allemagne Nazie et de l'Italie fasciste), rappel qu'une République précède un glorieux Empire.
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De son côté, le Comité Français de Libération Nationale (1940-44) qui se muera en Gouvernement Provisoire de la République Française (44-47), sera marqué par le Général De Gaulle bien sûr mais aussi le résistant puis ministre Henri Frenay, son compagnon de combat le général François Astier de la Vigerie et finalement le Président provisoire Vincent Auriol. On rêve d'abord de réunifier la France, mais plus encore, cette réunification ne peut être envisagée que comme le précurseur de toute réunification : l'Europe et la planète entière suivront nécessairement l'exemple prophétique et instigateur de la France-messie.

"Les États-Unis d’Europe, étape vers l’unité mondiale seront bientôt une réalité vivante pour laquelle nous combattons."

"Je hais par-dessus tout le sectarisme gaulliste. Par-dessus tout ? Oui parfaitement, car pour moi le gaullisme (…) c’est la France (…) et la France, si elle était sectaire, ne serait plus la France."

- Henri Frenay, 1942, dans le journal Combat ; et 1944, dans La Nuit finira.

Frenay, pour sa part, était tout à fait conscient de la force d'un tel mythe, qu'il décelait dans le Nazisme : "Un homme ou un peuple est très fort quand il entre en scène armé d'un mythe. Or le national-socialisme  a fait découvrir au peuple allemand un ensemble de mythes : le mythe de la race, le mythe du soldat politique, le mythe du socialisme allemand qui évaillent tous les échos profonds de l'âme populaire." (propos rapporté par J.-P. Woog dans la Chronique Littéraire de la Gazette du Palais, 23-25 mai 2004).

D'autres reprennent le mythe en termes bibliques au compte du parti qu'ils identifient à la Résistance, c'est-à-dire à la République :

"Fortifié par ses sacrifices, confirmé dans sa doctrine, rénové dans sa composition, le Parti socialiste surgit de la Résistance avec une âme nouvelle, un esprit rajeuni."

- Vincent Auriol, 1944, Congrès national extraordinaire des 9-12 novembre 1944, Archives du PS- SFIO, OURS, p.814.

19 août 2013

Sacrée France : La 3ème République (1870-1940)

La IIIe République fut le "poing sur la table" qui fixa définitivement la République en France. Après les révolutions de 1830 et de 1848, après deux Empires napoléoniens qui ont longtemps "interrompu" les desseins républicains, on décide qu'il est temps, presque cent ans après la première tentative d'établir la République en France, de le faire pour de bon. Or si on était en 1790 encore relativement indulgent envers l'Eglise, et attaché à la Monarchie, ce n'est plus le cas du tout en 1870 : ce sont maintenant des ennemis jurés. Louis XIV et Napoléon ont été de grands conquérants, mais leurs successeurs ont définitivement dégouté les Français des abus du pouvoir absolu. Il est temps pour Marianne de se faire un nom aussi glorieux, et de devenir la dirigeante éternelle des Français. Et ainsi, le mythe prend de l'ampleur...
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"Je n'ai pas oublié par quels applaudissements fut saluée mon apparition en 1848 ; je n'ai pas oublié non plus quelle fusillade retentit d'un bout de la France à l'autre lorsque Bonaparte cracha sur le serment qu'il m'avait prêté à la face de l'Europe. Le clergé, qui avait béni les fameux arbres de liberté, célébra sur toutes les gammes du chant grégorien les louanges du gouvernement décembriste ; on cria du haut des chaires soi-disant apostoliques que j'avais travaillé au renversement de la famille, de l'ordre et de quantité d'autres choses respectables ; certains bateleurs de bas étage allèrent jusqu'à dire que j'avais essayé de faire main basse sur les caisses privées ou publique et que le fils d'Hortense avait dû rompre ses engagements avec moi à cause seulement de mes penchants au vol, à la boisson et à la coquetterie. Tous les Pères Tissié de France et de Navarre racontèrent sur mon compte à l'oreille des mères de famille une foule d'histoires à faire peur aux enfants ; Barbe Bleue fut dépassé de quinze kilomètres ; les vieilles femmes ne parlèrent de moi qu'avec la terreur d'une nonne occupée à commettre un péché mortel ; afin de ne pas en perdre l'habitude, on massacra, ça et là, quelques républicains et le tour fut joué à cette brave Marianne qui ne cherche querelle à personne et qui n'oserait pas même bombarder une ville française. (...)

La déesse au bonnet rouge n'a pas encore épuisé les traits qu'elle dirige contre les conspirateurs monarchiques (...)"

- Clovis Hugues, 1871, Lettre de Marianne aux Républicains.

"Le réel étant le miroir de l’idéal, les sociétés s’ordonnent selon la manière dont elles conçoivent l’ordre de l’univers, et les transformations de la politique réfléchissent celles de la pensée religieuse. Le Polythéisme, dont le principe est la pluralité des causes, a pour expression sociale la république. Mais si le Polythéisme s’arrête à la notion des forces, leur hiérarchie se traduit naturellement dans la société : aussi la république romaine est-elle aristocratique. Si la religion s’élève, comme dans l’Hellénisme, à l’idée d’une harmonie de lois indépendantes, le principe d’égalité et de liberté trouve son application dans la démocratie. Nulle part la réalité n’a été si près de l’idéal que dans cette glorieuse commune d’Athènes, qui a inondé le monde de sa lumière, et qui avait dressé au sommet de son acropole la statue de l’invincible Raison. (...)

À la revendication du libre examen des textes sacrés répond, en politique, le système parlementaire ; l’unité du monde est représentée par un Dieu presque abstrait, gouvernant sans miracles au moyen d’une charte, et assez semblable à un roi constitutionnel ou à un président de république moderne. Il faut remarquer que notre système représentatif, même quand le pouvoir central n’est pas héréditaire, n’a rien de commun avec les républiques de l’antiquité, qui avaient pour bases la législation directe et le gouvernement gratuit."



"C'est la gloire de la France d'avoir, par la révolution française, proclamé qu'une nation existe par elle-même. Nous ne devons pas trouver mauvais qu'on nous imite. Le principe des nations est le nôtre."

- Ernest Renan, 1882, conférence "Qu'est-qu'une nation ?" pour exposer la vision française de la nation suite à la défaite de 1870 face à l'Allemagne et l'annexion de l'Alsace-Lorraine.
  

"J'ai vu sur l'Acropole, jonchant la terrasse où s'élève la façade orientale du Parthénon, les débris du petit temple que les Romains, maîtres du monde, avaient élevé en ce lieu à la déesse Rome, et j'avoue que la première idée de cet édifice m'avait paru comme une espèce de profanation. En y songeant mieux, j'ai trouvé que le sacrilège avait son audace sublime.

A la beauté plus parfaite, au droit le plus sacré, Rome savait préférer le salut de Rome, la gloire des armes romaines et, non content de l'en absoudre, le genre humain ne cesse de lui en marquer de la reconnaissance. L’Angleterre contemporaine a donné des exemples de la même implacable vertu antique. Le nationalisme français tend à susciter parmi nous une égale religion de la déesse France.

Il y parviendra, je le crois : il lui sera difficile d'y parvenir sans se rapprocher du sentiments de nos royalistes. Les nationalistes intelligents ne tarderont pas à le voir. La monarchie héréditaire est en France la constitution naturelle, rationnelle, la seule constitution possible du pouvoir central."

- Charles Maurras, 1900, Le Soleil.


"Tel sont nos français dit Dieu. Ils ne sont pas sans défauts. Il s’en faut. Ils ont même beaucoup de défauts. Ils ont plus de défauts que les autres. Mais avec tous leurs défauts je les aime encore mieux que tous les autres (...). O mon peuple français dit Dieu, tu es le seul qui ne fasse point de contorsions (...).

Quant à l’espérance il vaut mieux ne pas en parler: il n’y en a que pour eux. C’est embêtant, dit Dieu, quand il n’y aura plus ces Français. Il y a des choses que je fais. Il n’y aura plus personne pour les comprendre."

- Charles Péguy, 1912, Le mystère des saints innocents.

12 août 2013

Sacrée France : Le 2nd Empire (1852-1870)

Les citations du lundi dans cette série sur la République se passeront souvent de commentaires, néanmoins tu en retrouveras parfois quelques extraits dans mes articles du vendredi, ainsi qu'un peu plus de contexte historique. Sur ce, bonne lecture !
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"La Révolution de 1789, n’ayant rien fondé, ne nous a point affranchis, mais seulement changés de misère. (...)

L’ancien régime, fondé sur l’Autorité et la Foi, était essentiellement de Droit divin. Le principe de la souveraineté du Peuple qui y fut plus tard introduit n’en changea point la nature ; et ce serait à tort qu’aujourd’hui, en face des conclusions de la science, on voudrait maintenir entre la monarchie absolue et la monarchie constitutionnelle, entre celle-ci et la république démocratique, une distinction qui ne touche nullement au principe, et n’a été, si j’ose ainsi dire, depuis un siècle, qu’une tactique de la liberté. L’erreur ou la ruse de nos pères a été de faire le peuple souverain à l’image de l’homme-roi ; devant la Révolution mieux entendue, cette mythologie s’évanouit, les nuances de gouvernement s’effacent et suivent le principe dans sa déconfiture. (...)

Dieu et le Roi, l’Église et l’État, telle est, en corps et en âme, l’éternelle contre-révolution. Le triomphe de la liberté, au moyen âge, fut de les séparer, et, ce qui montre l’imbécillité des deux pouvoirs, de leur faire accepter comme un dogme leur propre scission. Maintenant, nous pouvons l’avouer sans péril : devant la philosophie, cette distinction est inadmissible. Qui nie son roi nie son Dieu, et vice versa, il n’y a guère que les républicains de la veille qui refusent de le comprendre. (...)

Il faut pourtant que le catholicisme s’y résigne : l’œuvre suprême de la Révolution, au dix-neuvième siècle, est de l’abroger."

- Joseph Proudhon, 1851, Idée générale de la Révolution au 19e siècle.


"La révolution française est donc une révolution politique qui a opéré à la manière et qui a pris en quelque chose l'aspect d'une révolution religieuse. Voyez par quels traits particuliers et caractéristiques elle achève de ressembler à ces dernières : non seulement elle se répand au loin comme elles, mais, comme elles, elle y pénètre par la prédication et la propagande. Une révolution politique qui inspire le prosélytisme ; qu'on prêche aussi ardemment aux étrangers qu'on l'accomplit avec passion chez soi ; considérez quel nouveau spectacle ! (...) 

On aurait donc bien tort de croire que l'ancien régime fut un temps de servilité et de dépendance. Il y régnait beaucoup plus de liberté que de nos jours; mais c'était une espèce de liberté irrégulière et intermittente, toujours contractée dans la limite des classes, toujours liée à l'idée d'exception et de privilège, qui permettait presque autant de braver la loi que l'arbitraire, et n'allait presque jamais jusqu'à fournir à tous les citoyens les garanties les plus naturelles et les plus nécessaires. (...)
Mais si cette sorte de liberté déréglée et malsaine préparait les Français à renverser le despotisme, elle les rendait moins propres qu'aucun autre peuple, peut-être, à fonder à sa place l'empire paisible et libre des lois. (...)

Dans la Révolution Française, les lois religieuses ayant été abolies en même temps que les lois civiles étaient renversées, l'esprit humain perdit entièrement son assiette; il ne sut plus à quoi se retenir ni où s'arrêter, et l'on vit apparaître des révolutionnaires d'une espèce inconnue, qui portèrent l'audace jusqu'à la folie, qu'aucune nouveauté ne put surprendre, aucun scrupule ralentir, et qui n'hésitèrent jamais devant l'exécution d'aucun dessein. Et il ne faut pas croire que ces êtres nouveaux aient été la création isolée et éphémère d'un moment, destinés à passer avec lui; ils ont formé depuis une race qui s'est perpétuée et répandue dans toutes les parties civilisées de la terre, qui partout a conservé la même physionomie, les mêmes passions, le même caractère. Nous l'avons trouvée dans le monde en naissant; elle est encore sous nos yeux. (...) 

En même temps que [la centralisation] se relevait, tout ce qui avait pu autrefois la limiter restait détruit, des entrailles mêmes d'une nation qui venait de renverser la royauté on vit sortir tout à coup un pouvoir plus étendu, plus détaillé, plus absolu que celui qui avait été exercé par aucun de nos rois.
L'entreprise parut d'une témérité extraordinaire et son succès inouï, parce qu'on ne pensait qu'à ce qu'on voyait et qu'on oubliait ce qu'on avait vu. Le dominateur tomba mais ce qui restait de plus substantiel dans son œuvre resta debout; son gouvernement mort, son administration continua de vivre, et, toutes les fois qu'on a voulu depuis abattre le pouvoir absolu, on s'est borné à placer la tête de la Liberté sur un corps servile."

- Alexis de Tocqueville, 1856, L'Ancien Régime et la Révolution, p.16-17; 183-184; 239; 319.


"Il n'y a de gouvernement raisonnable et assuré que l'aristocratique. Monarchie ou république, basées sur la démocratie, sont également absurdes et faibles. (...) 

Deux belles religions, immortelles sur les murs, éternelles obsessions du Peuple : une pine (le phallus antique) et «Vive Barbès !» ou «A bas Philippe !» ou «Vive la République !»."

- Charles Baudelaire, 1864, Mon cœur mis à nu.


5 août 2013

Sacrée France : La 2nde République (1848-1852)

"C'est un beau et vrai symbole pour la liberté qu'un arbre ! La liberté a ses racines dans le cœur du peuple, comme l'arbre dans le cœur de la terre ; comme l'arbre elle élève et déploie ses rameaux dans le ciel ; comme l'arbre, elle grandit sans cesse et couvre les générations de son ombre. Le premier arbre de la liberté a été planté, il y a dix-huit cents ans, par Dieu même sur le Golgotha. Le premier arbre de la liberté, c'est cette croix sur laquelle Jésus-Christ s'est offert en sacrifice pour la liberté, l'égalité et la fraternité du genre humain."

Victor Hugo, 1848, Discours du 2 mars, lors de la plantation d'un arbre de la liberté sur la place des Vosges.


"La Révolution Française a résumé la politique dans ces trois mots sacramentels : Liberté, Égalité, Fraternité. Ce n'est pas seulement sur nos monuments, sur nos monnaies, sur nos drapeaux, que cette devise de nos pères fut écrite; elle était gravée dans leur coeur, elle était pour eux l'expression même de la Divinité.

Sainte devise de nos père, non, tu n'es pas un de ces vains assemblages de lettres que l'on trace sur le sable et que le vent disperse. Triangle mystérieux qui présidas à notre émancipation, qui servis à sceller nos lois, et qui reluisais au soleil des combats sur le drapeau aux trois couleurs, tu fus inspiré par la Vérité même, comme le mystérieux triangle qui exprime le nom de Jéhovah, et dont tu es le reflet."



Certains épisodes de l'histoire sont des "lieux de mémoire" pour fonder le pouvoir en place, d'autres des lieux d'oubli. L'immémoriale presque-révolution de juin 1848 fit écrire à Marx :

"Les représentants officiels de la démocratie française étaient tellement prisonniers de l’idéologie républicaine qu’il leur fallut plusieurs semaines pour commencer à soupçonner le sens du combat de Juin. Ils furent comme hébétés par la fumée de la poudre dans laquelle s’évanouissait leur République imaginaire." (Les luttes de classes en France, voir source plus bas)

C'est la même faim qu'en 1789 qui pousse à l'insurrection, mais elle trouve une réponse différente du gouvernement : on tire sur la foule. Louis-Philippe, roi abdiquant, exilé en Angleterre, fera à ce sujet une remarque cynique : "Elle a bien de la chance la République: elle peut faire tirer sur le peuple." (voir Sebastian Haffner, 1918, une révolution trahie).

Victor Hugo, partisan de la République, dans la droite lignée de sa Légende des Siècles, interprètera l'histoire d'une manière bien singulière dans son célèbre roman Les Misérables  paru en 1862 : "Mais, au fond, que fut juin 1848? Une révolte du peuple contre lui-même" (Tome V, Livre 1, Chapitre 1). C'est pourtant depuis cette époque que le gouvernement se prémunit contre les contestations du peuple par un urbanisme qui favorise les troupes plutôt que les insurgés et qui maintient un niveau de vie élevé dans la capitale pour en chasser les indésirables "ouvriers de province", sujets à de folles idées... révolutionnaires (merci Haussmann et les théories hygiénistes des Lumières).

Pourtant Marx a beau veiller, cela ne l'empêche pas de s'emparer de cet idéal de la Révolution à la Française (c'est-à-dire religieuse et absolue), qu'il rattache plus à sa vision communiste qu'à la République :

La nouvelle révolution française sera obligée de quitter aussitôt le terrain national et de conquérir le terrain européen, le seul où pourra l'emporter la révolution sociale du XIXe siècle. Donc, ce n'est que par la défaite de Juin que furent créées les conditions permettant à la France de prendre l'initiative de la révolution européenne. Ce n'est que trempé dans le sang des insurgés de Juin que le drapeau tricolore est devenu le drapeau de la révolution européenne, le drapeau rouge. Et nous crions :

La révolution est morte ! Vive la révolution !"